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Compte rendu du livre « Les apocryphes : témoins d’une Église plurielle » de Régis Burnet

Ce court traité de Régis Burnet se présente à la fois comme un essai et comme une introduction aux textes apocryphes chrétiens. Il s’agit d’un essai en ce sens que l’auteur cherche à montrer que les textes apocryphes, loin d’avoir été cachés au grand public, ont été utilisés au sein même de l’Église et ne contiennent aucun « secret caché ». Il veut également se servir de la diversité de pensées de ces textes pour souligner la pluralité de l’Église des premiers siècles.

Dans son premier chapitre, « Une littérature en archipel », l’auteur montre que la vision de l’Église des premiers siècles a été reçue jusqu’au XXe comme celle d’une Église unie et monolithique, mais que cette idée repose toutefois sur une chimère construite aux IIe et IVe siècles par des auteurs comme Irénée de Lyon et Eusèbe de Césarée. Le premier cherchait à prouver l’unicité de la tradition apostolique, tandis que le second voulait confirmer l’unicité du message et de la communauté qui le portait : « Or, cette vision, indique R. Burnet, est en réalité une fiction à la fois historique et théologique destinée à légitimer les communautés dont Irénée et Eusèbe sont les produits » (p. 11).

Les deux chapitres suivants, « Les premiers témoins de communautés diverses » et « L’archipel des gnoses », font un survol des premiers textes apocryphes. L’auteur s’efforce de rattacher la diversité des textes aux nombreuses communautés qui composaient le christianisme des premiers siècles. Or, cette façon de procéder – c’est-à-dire de rattacher les textes à des communautés bien précises – tend à s’éclipser dans les trois chapitres suivants : « Les apocryphes sur Marie », « Le cycle de Pilate » et « Les actes apocryphes des apôtres ». L’auteur souligne à travers ces trois chapitres un autre trait de la littérature apocryphe : son influence sur le christianisme majoritaire. À travers ces chapitres, on voit apparaître beaucoup de récits bien connus du public qui sont pourtant absents des Évangiles canoniques. R. Burnet montre que ce sont ces récits qui n’ont cessé d’embellir les lieux emblématiques de la chrétienté.

Dans ce livre adressé au grand public, on trouve deux idées principales. Les premiers chapitres (p. 21-49) traitent à la fois des documents les plus anciens et des documents qualifiés par la recherche moderne de « gnostiques ». Dans cette partie, l’idée de la diversité des communautés est mise de l’avant. Ce constat permet à R. Burnet de montrer la pluralité de l’Église des premiers siècles et de soutenir que le discours officiel au sujet d’une Église unie n’est qu’une chimère. La seconde partie du livre (p. 50-86) prend un tout autre tournant et propose de montrer que les textes apocryphes, cette fois-ci un peu plus tardifs, ont complété les récits entourant la vie du Christ et ont parfois même ajouté des éléments qui ont marqué la culture chrétienne. Ces textes ont dès lors grandement influencé les représentations des artistes du Moyen Âge et de la Renaissance qui ornent les églises d’Europe. Donc, loin d’avoir été cachés au grand public, ces textes ont circulé et ont exercé une influence durable sur l’Église jusqu’à nos jours. Ces deux idées, que l’Église des premiers siècles est plurielle et que les textes apocryphes ont eu une influence certaine sur l’Église, donnent à ce petit livre d’introduction des allures d’essai.

On s’explique toutefois mal le manque de continuité entre ces deux parties et cette situation soulève plusieurs questions : est-ce que les textes apocryphes présentés dans les premiers chapitres ont eu une influence durable sur la culture chrétienne ? Est-ce que les textes de la seconde partie sont issus de communautés diverses et séparées de l’Église ? Les textes apocryphes ne constituent certainement pas un groupe de textes homogène, bien au contraire. Or, sans demander à l’auteur de les présenter comme tels, il est plutôt difficile de comprendre pourquoi ces deux groupes de textes, qui sont examinés selon deux perspectives fort différentes, sont placés côte à côte dans ce livre. Bien entendu, tous ces textes sont classés sous l’appellation « apocryphe » et cela justifie amplement de les regrouper. Cela vaut à tout le moins pour un texte d’introduction, mais il aurait été bien de voir ces deux réflexions proposées par l’auteur être mises à l’épreuve tout au long de l’essai.

Régis Burnet, Les apocryphes : témoins d’une Église plurielle, Divonne-les-bains, Cabédita, 2016, 95 p.

ISBN : 978-2-88295-770-2

A propos de l'auteur

Cofondateur

Jeffery Aubin est diplômé en Études anciennes et a obtenu un doctorat en sciences des religions à l’Université Laval. Il est chercheur postdoctoral à l’Université d’Ottawa au Département d’études anciennes et de sciences des religions. Il travaille sur les Pères de l’Église, les textes apocryphes chrétiens et les hérésies. Il s’intéresse aux rapports entre les récits cosmologiques et l’éthique, aux rapports entre les religions et la société et, enfin, à la philosophie de la religion. Passionné par ces questions, il aime également analyser les questions actuelles portant sur ces thèmes.

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