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La «marche pèlerine» québécoise: des pas dans l’ultramodernité?

Visuel - Michel O'Neill. Marche pèlerine québécoise

La marche pèlerine  

En 2003, la première fois où j’ai marché sur les chemins de Compostelle entre Le Puy-en-Velay et Saint-Jacques-de-Compostelle, j’ai été intrigué par un phénomène inattendu. Alors que la plupart des personnes que je rencontrais n’avaient pas d’objection à se faire appeler pèlerin ou pèlerine, la grande majorité ne se considérait pas comme « en pèlerinage ». Pourtant, pour en reprendre une définition courante (O’Neill, 2017: 22), elles étaient bien « des personnes en déplacement vers un lieu sacré »; mais, comme moi alors, elles trouvaient sans doute que le mot demeurait trop connoté religieusement et elles ne se reconnaissaient pas vraiment dans la vision traditionnelle du pèlerinage chrétien.

En 2013, au retour de mon second périple sur les chemins de saint Jacques entre Paris et Fisterra, où j’avais fait le même constat, j’ai commencé à m’intéresser de plus près aux personnes du Québec que l’on retrouve sur les chemins de Compostelle de même que sur les chemins nés ici dans cette mouvance. J’ai donc imaginé l’expression « marche pèlerine » afin de distinguer ce type de randonnée du pèlerinage, au sens religieux classique, de même que de la longue randonnée de type trekking, qui se fait en milieu sauvage loin de la civilisation. J’ai ainsi défini la marche pèlerine comme : 1) se situant dans la mouvance du renouveau d’intérêt pour le pèlerinage vers Compostelle depuis les années 1980; 2) se déroulant dans la durée (au moins deux nuits dormies en chemin); et 3) se passant en milieux habités, et non en grande nature.

C’est donc le rapport des Québécoises et Québécois à ce nouveau phénomène que j’étudie depuis, du double point de vue du marcheur et du chercheur. Le présent texte synthétise les principaux constats de mes travaux à ce propos (O’Neill, 2017, 2018, 2019, 2020).

Des marcheurs sur un chemin de gravier et des montagnes au loin.
Sur les Chemins de Compostelle, en Espagne. | Crédit: Michel O’Neill

Origine et évolution de la marche pèlerine au Québec  

Les années 1990 : précurseurs et pionniers

C’est au cours des années 1980 que le pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle, né vers l’an 820, retrouve une certaine popularité après quelques siècles de dormance. De fait, c’est surtout à compter de 1989, alors que le pape Jean-Paul II y convoque les Journées mondiales de la jeunesse, que l’idée de se rendre à Santiago à pied en empruntant le tracé des anciens chemins de pèlerinage prend vraiment une envolée qui ne cessera de croître depuis. En effet, si au début des années 1980 ce ne sont que quelques dizaines de certificats de complétion du pèlerinage (la Compostela) qui sont émis annuellement, ce nombre atteignait plus de 347 000 en 2019. On s’attend d’ailleurs à ce qu’il tourne d’autour de 500 000 en 2021, lors de la prochaine année « jacquaire » où la fête de saint Jacques, le patron de l’Espagne, tombera un dimanche.

Pour le Québec, l’année charnière est 1995. Avant cette date, il y a certainement des gens d’ici qui sont allés marcher sur les chemins de saint Jacques, mais ils ne sont vraisemblablement qu’une poignée, et on n’en sait à peu près rien. En 1995, deux personnes se rendent chacune de leur côté sur ces chemins et les mettent littéralement sur la carte. Denis LeBlanc, un ancien policier de la Sûreté du Québec qui en avait fait son projet de retraite, et Michel Dongois, un journaliste, marchent de Paris à Fisterra pour le premier et du Puy-en-Velay à tout près de St-Jean-Pied-de-Port, pour le second, trajet qu’il poursuivra jusqu’à Santiago au cours des deux années subséquentes. Chacun de son côté, ils médiatiseront largement leur expérience à travers des articles dans des quotidiens et des magazines à grand tirage, des reportages, des émissions de radio, des conférences… Des dizaines de milliers de personnes du Québec seront alors sensibilisées au fait que le pèlerinage vers Compostelle n’est pas juste une curiosité historique datant du Moyen-Âge, mais bien une série de parcours existant encore, que l’on peut emprunter si l’on veut aujourd’hui mettre ses pas dans les traces de millions d’autres personnes qui y ont pérégriné à travers les siècles.

Cela incitera plusieurs dizaines de pionnières et pionniers, à compter de 1996, à se lancer à leur tour sur les chemins de saint Jacques. Afin de se parler de leurs expériences et de s’échanger de l’information, alors très peu disponible, ils se regrouperont peu à peu en associations régionales qui se fédèreront en l’an 2000 en un organisme national à but non lucratif, toujours très actif en 2020 : l’Association québécoise des pèlerins et amis du Chemin de Saint-Jacques, ou AQPAC, mieux connue sous sa forme abrégée : Du Québec à Compostelle (AQPAQ, 2020).

C’est aussi à la fin de cette décennie que le premier chemin québécois de marche pèlerine sera lancé en 1999, sous l’impulsion de Denis LeBlanc, appuyé par Michel Dongois et plusieurs autres pionnières et pionniers, Le Chemin des Sanctuaires, lui aussi toujours en fonction en 2020 (Chemin des Sanctuaires, 2019). Il relie l’Oratoire St-Joseph à Montréal à la basilique de Ste-Anne-de-Beaupré près de Québec, en passant par quelques autres sanctuaires de moindre importance.

Les années 2000 : la décennie de l’AQPAC

La décennie 2000 sera celle de Du Québec à Compostelle. Grâce au travail de centaines de bénévoles, l’association développera peu à peu ses huit sections régionales, son programme d’activités (marches d’entraînement; conférences; rencontres de témoignages et de préparation pratique; distribution de la crédentiale, le passeport du pèlerin requis dans les auberges pour pèlerins en Espagne et pour obtenir la Compostela; rencontres provinciales annuelles du Grand Rassemblement et du Tour de l’Île aux Coudres, etc.) et ses outils de communication (bulletin de liaison, site internet, etc.). Elle accompagnera ainsi dans leur projet d’y pérégriner des milliers de personnes, de plus en plus au courant de l’existence des chemins de Compostelle et appartenant principalement à la génération des baby-boomers.

Durant les années 2000, on assistera aussi au démarrage de 12 nouveaux chemins au Québec, dont 10 étaient encore actifs en 2020. Pour la plupart, ces chemins reprenaient l’idée originelle d’un chemin linéaire ayant comme destination un sanctuaire associé au catholicisme.

Les années  2010 : la décennie de la diversification

La décennie subséquente sera celle de la diversification, tant du côté de l’accompagnement des personnes souhaitant s’adonner à la marche pèlerine au Québec, en Europe ou ailleurs, que de celui des types de parcours démarrés ici.

En 2011, suite à une expérience sur les chemins de Compostelle pour laquelle elle trouve qu’elle avait été mal préparée, mal équipée et mal conseillée avant son départ, Anne St-Hilaire démarre une entreprise dans l’arrondissement Verdun de Montréal : Le Centre La Tienda d’ici à Compostelle (La Tienda, 2020). En plus d’être une boutique où l’on vend un équipement choisi sur mesure pour les adeptes de la marche pèlerine, ce centre se donne comme mandat de créer un environnement et une communauté où l’on accompagnera de manière humaine et chaleureuse, à travers un ensemble d’activités et de services, les personnes souhaitant pratiquer la longue randonnée en milieu habité.

Cette fondation est emblématique de la diversification qui caractérisera la décennie. Plusieurs autres entreprises à but lucratif y seront en effet démarrées par des gens de la génération X. Contrairement à celle des baby-boomers de la décennie précédente, dont une grande proportion était des bénévoles à la retraite, ils souhaiteront gagner leur vie dans l’aventure, comme plusieurs le font en Europe, en misant sur la popularité de plus en plus grande de la marche pèlerine ici et ailleurs.

La diversification se reflètera aussi dans le genre de chemins qui seront démarrés au Québec durant les années 2010. En sus de parcours menant vers des sanctuaires comme durant la précédente décade, d’autres seront mis en place à des fins principalement touristiques ou de développement économique local, notamment par des Municipalités régionales de comté (MRC) ou des instances touristiques régionales. Parfois en boucles plutôt que linéaires, leur origine et leur destination ne sont plus nécessairement des sanctuaires et la présence de bâtiments religieux sur le parcours relève davantage du tourisme religieux que de la dévotion. Une vingtaine de chemins québécois feront ainsi leur apparition au cours des années 2010.

Finalement, Marcher Autrement au Québec, un site Internet et un groupe Facebook visant à créer une communauté de personnes intéressées par la marche pèlerine « à la Compostelle » qui se déroule au Québec, sera lancé en 2014 par Michelle Gaudet, une passionnée de ce phénomène. Comptant près de 5600 membres début 2020, ce groupe demeure le principal lieu d’échanges et d’interactions autour de la marche pèlerine québécoise (Marcher Autrement, 2020)

Un sac à dos, des bâtons de marches et une table à piquenique.
Sur la Voie des pèlerins de la Vallée en Estrie (Québec) | Crédit: Michel O’Neill

La situation en 2019

Comment tout ça se décline-t-il concrètement? Regardons ce que les adeptes québécois-es de la marche pèlerine ont fait durant la saison 2019, sur les chemins de Compostelle et ailleurs dans le monde d’abord, puis ici au Québec ensuite.[1]

Vers Compostelle et ailleurs dans le monde

En 2019,  347 585 Compostelae ont été émises. Il s’agit bien entendu d’une sous-estimation du nombre de personnes ayant fréquenté les divers chemins de Saint-Jacques, dont l’ordre de grandeur est impossible à établir vraiment; en effet, tout le monde y circulant ne se rend pas jusqu’à Santiago et, parmi les personnes qui s’y rendent, toutes ne vont pas réclamer ou ne reçoivent pas leur Compostela, Le nombre de Compostelae émises demeure néanmoins la donnée la plus fiable en regard de la fréquentation des Chemins de Compostelle.

Sur les centaines de milliers de pèlerin-es ayant fréquenté les chemins de saint Jacques en 2019, 3784 provenaient du Québec. Il est intrigant de constater que les personnes d’ici se distinguent radicalement des pèlerins vers Santiago dans leur ensemble.

Alors qu’en moyenne entre les années 2005 et 2019 les pèlerins de toute provenance sont surtout des hommes (55,0%), pour la même période ce sont surtout des Québécoises, dans une proportion à peu près exactement inverse (57,9%), qui vont vers Santiago. À noter qu’en 2019, si l’on considère les pèlerins dans leur ensemble, c’est seulement la seconde fois que davantage de femmes (51,2%) que d’hommes (48,8%) ont reçu une Compostela, la précédente étant en 2018. La tendance lourde à la féminisation du pèlerinage vers Compostelle continue donc à se manifester, la proportion des hommes qui était de 59% en 2005 ayant continuellement décru depuis. Quant à elle, la constante dominance féminine québécoise se poursuit en 2019, avec 61,2% contre 38,8% d’hommes.

Si l’on regarde l’âge des personnes qui vont vers Compostelle, la spécificité québécoise continue à se manifester. En effet, si entre 2005 et 2019 la proportion des 30-60 ans était à peu près la même pour l’ensemble des pèlerins que pour les personnes en provenance du Québec (56,1% vs 57,1%), celles des jeunes (<30 ans, 29,4% vs 11,3%) et des plus âgés (>60 ans, 14,5% vs 31,6%) étaient  aussi quasi exactement inversées. En 2019, on se rend aussi compte que si pour les pèlerins dans leur ensemble la situation demeure assez similaire aux années précédentes, les 60 ans et plus du Québec ont augmenté de manière significative (+5,5%) par rapport à leur moyenne de 2005 à 2019, surtout au détriment des 30-60 ans (-3,6%) et un peu moins à celui des plus jeunes (-1,8%).

Qu’est-ce qui pourrait expliquer ces particularités québécoises d’âge et de genre ? J’en ai discuté assez longuement à divers endroits de mon ouvrage Entre Saint-Jacques-de-Compostelle et Sainte-Anne-de-Beaupré. La marche pèlerine québécoise depuis les années 1990 (O’Neill, 2017). En quelques mots : en ce qui a trait au genre, c’est probablement du côté de la place prise par les femmes dans la société québécoise depuis le féminisme des années 1970, avec l’autonomie qu’elles ont développée en comparaison avec la plupart des autres sociétés, que se trouve une partie importante de la réponse. Quant aux enjeux liés à l’âge, ils ont vraisemblablement à voir avec les rapports au religieux qu’entretiennent dans la construction de leur identité les diverses générations québécoises.

À noter finalement que depuis quelques années, on observe une augmentation de la popularité de la marche pèlerine québécoise sur des parcours moins habituels vers Compostelle (les chemins portugais par exemple), vers d’autres grands sanctuaires de pèlerinage chrétiens (Rome en particulier) ou vers d’autres lieux à travers le monde (Shikoku au Japon, par exemple). Un ouvrage récent paru en France, Guide des chemins de pèlerinage du monde, (Bodan, 2018) témoigne de cette récente diversification, qui ne séduit pas que le Québec; plus de 800 chemins de pèlerinage à travers le monde y sont répertoriés.

Les chemins de marche pèlerine au Québec

En 2019, on pouvait dénombrer 31 parcours québécois de marche pèlerine qui ont été fréquentés par 2 318 personnes, âgées d’en moyenne 57,3 ans, des femmes dans une proportion d’environ 75,9%. Même si ces données de fréquentation demeurent approximatives, elles révèlent une augmentation significative depuis 2016 (+ 66,3%), première année où elles ont été colligées. Qui plus est, les chemins d’ici attirent une majorité de femmes de la génération du baby-boom, sans doute pour les raisons assez similaires à ce qui les pousse vers Compostelle, et l’intérêt de faire de la marche pèlerine ici plutôt qu’à l’étranger augmente lui aussi de manière nette avec les années.

En 2019, de ces 31 chemins, 26 étaient en opération et cinq en latence. Alors que le premier a été fondé en 1999, il y a vingt ans, le fait que 15 sur 31 aient été développés au cours des cinq dernières années montre bien l’effervescence qui règne dans cet univers, ce qui le fragilise en même temps. En effet, à ce jour et malgré leur potentiel énorme, l’existence de ces chemins demeure très peu connue tant au Québec qu’à l’étranger. Ici, on associe encore habituellement la longue randonnée à la marche en milieu de grande nature, sur des parcours rudes et rustiques comme le Sentier international des Appalaches par exemple (SIA, 2020), alors que la marche pèlerine se déroule dans la durée, mais en milieu habité, requérant une forme physique et un équipement bien moins considérables et posant des enjeux de sécurité beaucoup moins grands qu’en plein bois.

En termes de longueur, seize ont moins de 200 km, onze entre 200 et 800 km et seulement quatre plus de 800 km, alors que 23 sont linéaires et que 8 permettent de réaliser une ou plusieurs boucles. En 2019, on en retrouvait dans toutes les régions du Québec, sauf les plus septentrionales (Nord-Ouest, Côte-Nord et Nunavut); l’Estrie est celle où leur présence était la plus marquée et quelques-uns traversent plusieurs régions. Treize s’affichaient comme centralement ou significativement catholiques, alors que pour les dix-huit autres, cette dimension était marginale ou absente.

Finalement, ce qui singularise les chemins québécois de marche pèlerine lorsqu’on les compare aux chemins vers Compostelle ou à d’autres chemins ailleurs dans le monde, c’est leur mode d’organisation. Lorsque l’on va outre-Atlantique, on auto-organise son voyage de manière autonome dans la très grande majorité des cas, alors qu’au Québec, on doit le plus souvent (21 chemins sur 31) s’inscrire à quelque chose de pré-organisé, selon des formules variables. Cela est principalement dû, sur notre territoire très peu densifié, à la difficulté de trouver des hébergements prêts à accueillir des personnes à pied à des distances de marche quotidienne raisonnables, ce que fournissent selon diverses formules les chemins auxquels on doit s’inscrire. Et, bien entendu, plusieurs personnes ne sentent pas le besoin d’emprunter des parcours déjà prédéfinis; elles concoctent le leur, souvent en lien avec des causes particulières reliées à la santé, en empruntant des bords de grandes voies de circulation, telles la route 132 ou la route 138, ou encore en faisant largement usage de la Route verte, le très développé réseau québécois de pistes cyclables multifonctionnelles.

Une pancarte indiquant le kilomètre 36 du "Chemin de St-Jacques, le Compostelle des Appalaches".
Balise sur un chemin Québécois de marche pèlerine. | Crédit: Michel O’Neill

La marche pèlerine québécoise : des pas dans l’ultramodernité?

Le sociologue français Jean-Paul Willaime a forgé l’expression ultramodernité pour souligner que, selon lui, nous sommes toujours dans la modernité, d’où son refus de l’expression postmodernité, mais dans une forme de modernité qui a évolué radicalement depuis celles plus classiques des siècles qui nous séparent de celui des Lumières (voir, par exemple, Willaime, 2013, 2019). Selon lui, deux caractéristiques principales distinguent l’ultramodernité des formes précédentes : l’incertitude et le pluralisme, caractéristiques largement engendrées par la mondialisation galopante des dernières décennies. À partir de ce qui est décrit plus haut, peut-on dire que la marche pèlerine québécoise en est une manifestation?

En ce qui a trait à l’incertitude, en phase avec la plupart des analystes de la société québécoise contemporaine, j’ai proposé dans mon ouvrage cité précédemment (voir O’Neill, 2017, chapitre 4 et conclusion) que la marche pèlerine est une stratégie largement utilisée pour lever l’incertitude existentielle et identitaire causée par l’abandon massif et brutal, à compter de la fin des années 1960, du catholicisme comme socle moral de la société québécoise. Cela est particulièrement vrai pour la génération des baby-boomers, qui ont été les principaux protagonistes de cet abandon, mais vaut aussi, de manière différente, pour les générations qui ont suivi.

Quant aux divers pluralismes (culturels, familiaux, religieux, de genre, etc.) entraînés par la mondialisation effrénée du capitalisme néolibéral depuis la fin du XXe siècle, le Québec n’y échappe pas plus que les autres sociétés occidentales, avec les risques de radicalisations et de polarisations qu’ils génèrent. Il suffit de voir les actuels débats sur la laïcité ou sur l’immigration, avec les tristes débordements qu’ils peuvent entraîner comme celui de la tuerie de la grande mosquée de Québec, pour s’en convaincre. Dans ce contexte, quelles que soient les générations, la marche pèlerine est aussi fortement utilisée comme une parenthèse dans sa vie quotidienne de « taupe frénétique » (Pelletier, 2012), afin de souffler un peu et trouver du sens dans des environnements où les propositions pour en faire sont plus abondantes et plus complexes que jamais à démêler.

Il semble donc que oui, les adeptes de la marche pèlerine québécoise pérégrinent sur les chemins de l’ultramodernité où le sens du pèlerinage a radicalement évolué, délaissant ses origines religieuses catholiques pour une pluralité d’utilisations à travers lesquelles ils et elles tentent de lever les incertitudes existentielles qui les confrontent.

Michel O’Neill
Sociologue et professeur émérite de l’Université Laval

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Références

AQPAQ (2020). Association québécoise des pèlerins et amis du Chemin de saint Jacques.

Bodan, Fabienne (2018). Guide des chemins de pèlerinage du monde, Rennes, Éditions Ouest-France, 472 p.

Chemin des Sanctuaires (2020).  Le chemin des sanctuaires, un Compostelle québécois. http://www.chemindessanctuaires.org/

La Tienda (2019), Centre La Tienda d’ici à Compostelle.

Marcher Autrement (2019). https://marcherautrement.com/ et groupe d’échange sur Facebook : https://www.facebook.com/groups/marcherautrementauquebec/

O’Neill, Michel (2017). Entre Saint-Jacques-de-Compostelle et Sainte-Anne-de-Beaupré. La marche pèlerine québécoise depuis les années 1990. Québec, les Presses de l’Université Laval, 264 p.

O’Neill, Michel (2018), L’état de la marche pèlerine québécoise en 2017, Québec, Chaire Jeunes et religions de l’Université Laval, 49 pages. Téléchargeable gratuitement en cliquant sur le lien .

O’Neill, Michel (2019), L’état de la marche pèlerine québécoise en 2018, Québec, Chaire Jeunes et religions de l’Université Laval, 62 pages.

O’Neill, Michel (2020), L’année charnière ? L’état de la marche pèlerine québécoise en 2019, Québec, Chaire Jeunes et religions de l’Université Laval, 68 pages.

Pelletier, Jean-Jacques (2012). Les taupes frénétiques. La montée aux extrêmes. Montréal, Hurtubise, 454 pages.

SIA (2020). Sentier international des Appalaches/International Appalachian Trail.

Willaime, Jean-Paul (2013) La religion dans l’ultramodernité. Canal Orlea,

Willaime, Jean-Paul (2019) La guerre des dieux n’aura pas lieu. Itinéraire d’un sociologue des religions, entretiens avec E.-Martin Meunier.  Genève, Labor et Fides ; 365p.


[1] Les informations de cette section proviennent de O’Neill (2020), où on les retrouve de manière beaucoup plus élaborée de même que les détails méthodologiques sur la manière dont elles ont été recueillies.

A propos de l'auteur

Michel O’Neill est sociologue de formation et professeur émérite de l’Université Laval, à Québec, où il a œuvré pendant 30 dans le domaine de la santé. Depuis sa prise de retraite en 2011, son œil de chercheur se pose sur d’autres types de phénomènes, dont celui de la marche pèlerine. Il a pérégriné à trois reprises sur les chemins de Compostelle, ainsi que sur sept chemins québécois. Il est rattaché à la chaire Jeunes et Religions de l’Université Laval en tant que chercheur autonome.

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