Compte-rendu du livre « Tu peux changer le monde! » de Charles Delhez
Sociologue de formation, précédemment journaliste et conférencier, le père jésuite Charles Delhez est aujourd’hui l’aumônier de l’Université de Namur en Belgique, endroit où il enseigne aussi les sciences religieuses. L’ouvrage qu’il nous présente, Tu peux changer le monde ! (2016), se veut une édition revue et augmentée de deux livres jeunesse successivement parus aux Éditions Salvator et Fidélité : Tu peux chancer le monde (2006) et Tu peux croire en l’amour (2008).
Dans Tu peux changer le monde !, le père Delhez adapte le message de l’Église d’une manière recherchant à revigorer l’intérêt de la jeunesse pour la foi — une tendance emboîtée par plusieurs auteurs religieux aujourd’hui. De ce fait, le livre est esthétiquement agréable avec une mise en page accordant images, couleurs et style. Plus encore, c’est par le biais d’une multitude de témoignages, de chansons, de textes littéraires, de fables et de poèmes soigneusement sélectionnés pour diversifier l’approche religieuse, mais aussi pour convaincre de la pertinence d’une vie spirituelle, que le lecteur abordera des questions liées à l’adolescence, à la société et à la religion. Il est particulièrement intéressant que l’ouvrage traite de problématiques contemporaines aux adolescents, soit l’ascendance de Facebook sur les amitiés, la consommation matérielle, la cyberintimidation et l’hypersexualisation.
Sans surprise, Tu peux changer le monde ! adopte une dialectique le plus souvent en accord avec les dogmes de l’Église catholique. Trois exemples d’actualité ont été sélectionnés afin de bien représenter les différents tons par lesquels sont véhiculées ces opinions, soit l’orientation sexuelle, l’avortement et l’identité sexuelle. Ces sujets sont d’autant plus intéressants, puisqu’ils témoignent d’un certain changement d’attitude à l’égard des dogmes catholiques sur trois niveaux : tolérance, ouverture ou non-condamnation, et refus.
Tout d’abord, on peut saluer l’effort d’impartialité dans le traitement de l’homosexualité, l’ouvrage rappelant les propos du pape François à l’égard d’une personne homosexuelle : « Qui suis-je pour la juger » (p. 111). Toutefois, les autres témoignages semblent un subtil accent sur la difficulté que cette orientation sexuelle peut apporter : raillerie, condescendance et honte d’être différent. De par cette thématique, on sent quelque peu les tensions présentes au sein de l’Église catholique sur la question de l’homosexualité : il y aurait un départ de l’intransigeance vers une forme de tolérance, mais non une acceptation — un phénomène encore loin d’être globalement approuvé dans l’institution.
Ensuite, la question de l’avortement se fait, quant à elle, avec une prudente ouverture. En effet, l’ouvrage semble faire preuve d’indulgence puisque l’avortement n’y est pas explicitement condamné. Cependant, il y est plutôt amené comme un choix lourd de conséquences mêlant tristesse et culpabilité. La seule page sur l’avortement, celle-ci met l’accent sur la tristesse d’avoir avorté, est placée entre deux entrées lourdes de sens, l’une affirmant à quel point un enfant peut « sauver la vie » de sa mère et l’autre portant sur la conception chrétienne que l’embryon est un être humain dont la vie est précieuse — ce dernier étant à l’origine des nombreuses difficultés reliées à l’accès à l’avortement dans des pays très catholiques, récemment illustrés par la Pologne et l’Amérique du Sud. Or, on comprend alors que pour l’ouvrage, avorter équivaudrait à se priver d’une possibilité au bonheur et mettrait fin à la vie d’un être humain — des sacrilèges —, mais en laissant entrevoir la possibilité d’une future discussion au sein de l’Église.
Enfin, par rapport à l’identité sexuelle, la position catholique reste sans détour. Pour le père Delhez, c’est une « illusion de croire que l’on peut « choisir » son sexe » (p.75) et que c’est dans le corps (les chromosomes) que l’on retrouve les traces de l’identité sexuelle et non dans la tête. Cette opinion apparaît iconique dans le sens où elle illustre le point ultime du chemin fait par les positions de l’Église quant à des questions controversées au sein des sociétés.
Pour le spécialiste, l’ouvrage jeunesse Tu peux changer le monde ! illustre la difficile adaptation de l’Église au XXIe siècle autant sur le recrutement de nouveaux fidèles que sur certaines questions encore largement débattues des sociétés. Il est intéressant de constater que l’institution catholique tente quelque peu de changer ; une certaine ouverture sur des sujets tels que l’homosexualité et l’avortement laisse entrevoir des avenues possibles de réforme des dogmes catholiques dans le futur.
Un compte-rendu de Marc-André Desmarais
Charles Delhez, Tu peux changer le monde (nouvelle édition augmentée), Paris : Éditions Salvator, 2016, 308 pages.
ISBN: 9782706713552
Prix: 22 € | 37,50 $ CND