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Notes de lecture : « Une flamme à transmettre » de Sylvie Bessette

Dans son livre Une flamme à transmettre, Sylvie Bessette relate sa rencontre avec des intervenants religieux et laïcs d’organismes montréalais dont la fondation et la mission étaient initialement religieuses. Le sujet de ces entretiens était celui de la transmission du patrimoine immatériel religieux. Le livre propose ainsi un résumé de ces échanges en y abordant principalement la question de la transmission d’une intention basée sur la foi à une intention séculière qui en préserve la portée sociale. Autrement dit, l’auteur s’interroge sur la façon dont est vécue la transition d’une direction composée de membres religieux vers une direction constituée entièrement de professionnels laïcs.

Un regard sur six œuvres montréalaises

Six œuvres sociales et spirituelles ayant façonné à leur façon le paysage montréalais ont fait l’objet de la petite enquête de Sylvie Bessette au sujet de la relève aujourd’hui séculière, voire areligieuse, de ces mêmes œuvres qui furent autrefois l’apanage de communautés religieuses catholiques.

Les œuvres rencontrées sont l’Hôtel-Dieu de Montréal (Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph), le Collège Régina Assumpta (Congrégation Notre-Dame), l’Accueil Bonneau (Sœurs de la Charité de Montréal, aussi appelées Sœurs Grises), le Collège Jean-de-Bréboeuf (Compagnie de Jésus ou Jésuites), l’organisme D-Trois Pierres (Sœurs de Sainte-Croix) et la Maison de la miséricorde (Sœurs de Miséricorde). L’ensemble de ces organismes a su répondre à des besoins particuliers de la population de la ville de Montréal. À chaque rencontre, Sylvie Bessette s’est entretenue avec un religieux ou une religieuse de la communauté qui a fondé et dirigé l’œuvre visitée, ainsi qu’une personne laïque y tenant maintenant une fonction de direction. Si ces œuvres ne sont pas connues des lecteurs, l’auteure prend soin de les présenter à chaque chapitre. De plus, ces derniers contiennent à la fois du contenu historique en plus de synthétiser le propos des intervenants rencontrés.

Notons que le livre ne représente pas une transcription intégrale des entrevues. Il s’agit plutôt d’une reconstruction où il est parfois difficile de distinguer l’apport de recherches réalisées par l’auteure et le propos tiré de l’entretien. Cependant, cela ne gêne aucunement la lecture. Par ailleurs, l’auteure opte pour un style relativement libre qui permet d’aller ainsi au cœur même de l’idée du livre, à savoir la transmission du patrimoine religieux immatériel.

Une statue de Jeanne Mance devant la façade sud de l’Hôtel-Dieu de Montréal | Photo: Stéphane Batigne (CC BY 3.0)

Un propos qui rassure

Dans l’ensemble, il s’agit d’un ouvrage qui intéressera ou rassurera toute personne inquiète ou même nostalgique à l’idée de voir disparaître à petit feu les communautés religieuses à vocation sociale.

À la lecture de ce petit livre, on réalise que la plupart des intervenants religieux interrogés vivent bien avec la disparition de l’essence religieuse des organismes que leur communauté a fondés. En fait, on découvre que les personnes les plus tristes d’y voir disparaître le discours chrétien sont les laïques qui dirigent ces œuvres. Toutefois, la perte de ce discours religieux ne signifie pas pour autant la perte d’un intérêt à poursuivre l’essence initialement religieuse de l’œuvre. En fait, l’esprit de la mission sociale est préservé. On y comprend qu’il s’agit de cet esprit qui relève du patrimoine immatériel qui se doit d’être transmis.

Un peu d’ombre?

Un seul organisme semble avoir de la difficulté de poursuivre les intentions d’origine de manière séculière : le Collègue Jean-de-Brébeuf. Les intervenants trouvent en effet difficile d’influer la flamme aux enseignants et aux élèves, puisque l’intérêt n’y est plus. Selon eux, les enseignants sont trop occupés à se concentrer sur la réussite de leurs élèves et à répondre aux exigences du programme scolaire. De plus, selon Jacques Boudrias, un enseignant et ancien élève de Jean-de-Brébeuf, « Malheureusement, aujourd’hui, on en est encore à l’étape du rejet de la religion. Cela rend la démarche de fidélité [des valeurs et l’éducation jésuite] plus difficile » (p. 87).

Le Collège Jean-de-Brébeuf, à Montréal | Photo: brebeuf.qc.ca

Le défi de perpétuer un héritage social

On sent chez les intervenants du Collège Jean-de-Brébeuf une certaine nostalgie ainsi qu’une déception de ne pouvoir faire plus. Il s’agit toutefois des seuls intervenants rencontrés par Sylvie Bessette qui affichent ce qu’on peut considérer comme de la morosité. Les autres, bien que les laïcs laissent parfois paraître une certaine nostalgie, considèrent que l’important, à savoir l’esprit et l’essence de la mission sociale, est bien respecté et bien présent.

Cependant, on y apprend que l’esprit de mission fait souvent l’objet de défis. Ces défis relèvent principalement de l’ordre des ressources humaines; il est nécessaire de constamment rappeler l’esprit de la mission aux différents travailleurs qui se laissent souvent emporter par des objectifs de productivités bureaucratiques.

Le besoin d’offrir un encadrement séculier dans une société plurielle empêche parfois de répondre au désir de perpétuer la flamme spirituelle. C’est le cas de l’organisme les D-3 Pierres, dont la mission est la réinsertion sociale de jeunes en difficulté. Selon le directeur André Trudel, il est important d’écouter et de respecter chaque personne. Son désir est de leur offrir un encadrement et de les réintroduire en société, et ce, par un respect individuel et en prenant en compte leurs limites propres. Quant à l’aspect religieux, Sylvie Bessette dira qu’André Trudel, le directeur de l’organisme, « s’en remet à sœur Rachel pour garder vivante la foi dans les individus » (p. 103).

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Enfin, Une flamme à transmettre de Sylvie Bessette est un petit bijou par le simple fait qu’il met en perspective une réalité de transition de la société québécoise. Ce livre offrira un regard intérieur du phénomène de transmission d’intention immatérielle à toute personne intéressée par le patrimoine religieux québécois. Simple et accessible, il permet de donner la parole à des personnes pour qui cette sécularisation d’institutions religieuses est une réalité concrète. Rares sont les ouvrages qui recensent le vécu d’un tel phénomène sociohistorique. Autrement dit, le livre de Sylvie Bessette permet de mieux comprendre un phénomène dont on est généralement qu’un simple spectateur.

Un compte rendu d’Hugues St-Pierre

Sylvie Bessette, Une flamme à transmettre. L’héritage social et culturel des communautés religieuses, Montréal, Médiaspaul, 2018, 132 pages.

ISBN : 9782897601515
Prix : 21,95 $ | 17 €

A propos de l'auteur

Cofondateur

Hugues St-Pierre est diplômé en philosophie ainsi qu’en sciences des religions, programme dans lequel il poursuit aujourd'hui à la maîtrise. Ses intérêts sont principalement orientés vers les analyses discursives, la sexualité et les phénomènes religieux contemporains. Un faible penchant pour la philosophie et l'anthropologie des religions se fait aussi sentir. En tant qu'homme d'idée, Hugues St-Pierre est toujours sur la route de l'univers des possibles à la recherche de projets ambitieux. Il est, entre autres, l'instigateur et l'un des quatre cofondateurs du site Internet de LMD.

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