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Critique du livre illustré « Gothique : Le pouvoir de l’image. Art profane et sacré du Moyen Âge, de 1140-1500 »

gothique-ulmannLe livre Gothique est une aventure de l’éditeur allemand H. F. Ullmann qui, tout comme c’était le cas d’Ars sacra — autre livre sur l’art chrétien —, a pris le risque de publier cet imposant ouvrage qu’il a entièrement financé. Il s’agit d’un livre qui propose de montrer l’art gothique, qui s’est développé au Moyen Âge, sur une période s’étalant de 1140 à 1500. Cet ouvrage propose des œuvres issues de l’art religieux et profane. Il couvre en partie l’histoire de l’architecture puisque l’on y trouve des châteaux, des tours, des monastères, des églises et des cathédrales. Il s’intéresse aussi à la sculpture, à la peinture et, en moindre mesure, aux manuscrits. Il s’agit dès lors d’un livre qui entend traiter de tout l’art gothique, qu’il soit profane, sacré, petit ou grand.

Cet ouvrage était un risque pour l’éditeur, justement parce qu’il s’agit d’un travail colossal tant par l’étendue géographique (la superficie couverte correspond à l’Europe) que par le nombre d’objets traités. Ce qui s’ajoute à sa charge est que la plupart des photos ont été réalisées à nouveaux frais et qu’on y trouve très peu d’images d’archives. Ce sont par ailleurs les photos qui occupent le premier plan de cet ouvrage et qui en constituent sa force. Initialement destiné à un plus petit format, le livre est finalement de format plus imposant (40 x 29 cm, soit presque 16 x 12 po), afin de rendre justice aux photos qui se regardent beaucoup mieux ainsi. Il s’agit d’un choix judicieux, et il faut dire que le sujet s’y prête bien. On ne saurait parler de ce courant artistique du Moyen Âge autrement qu’en le montrant. Comme le soulignent les auteurs, « c’est cette prééminence de la culture visuelle que nous voulons mettre en valeur ici. Ce livre a pour but d’amener le lecteur à ‟voir” » (p. 16). Il est dès lors pertinent pour quiconque s’intéresse à la religion — ici la religion chrétienne —, puisqu’il retrace l’histoire derrière cet art qui a été un mode de communication de l’Église au Moyen Âge.

Un mot de l’approche

Ce livre adopte une approche historique qui décrit les divers contextes dans lesquels les formes de l’art gothique ont émergé et évolué. Les auteurs prennent bien soin de montrer les liens qui existent entre les divers lieux de productions de cet art et le contexte qui le façonne. À titre d’exemple, les auteurs décrivent dans le détail comment la pensée liée aux ordres monastiques vient influencer l’histoire de leur monastère. On pense à l’émergence des ordres mendiants qui ouvre la porte à la contribution des bourgeois à la construction des cathédrales (p. 43). Les auteurs notent aussi l’écart qui existe entre la philosophie du mouvement cistercien, qui incite à des milieux de vie très sobres et dénudés — ce qui est fondé sur un idéal de pauvreté et d’humilité —, et l’expression architecturale de l’abbaye d’Alcobaça, qui montre la difficulté à respecter cet idéal (p. 47-48).

Les auteurs sont aussi soucieux de montrer les différences régionales dans l’architecture gothique (p. 72). Le contenu du livre couvre la région entière de l’Europe du XIIe au XVIe siècle et l’on découvre ainsi chaque tendance régionale (Espagne, Angleterre, Italie, France, etc.). Par contre, il faut noter que les auteurs n’ont pas inclus dans cet ouvrage les ruines de monuments gothiques — on pense à titre d’exemple aux ruines de l’abbaye d’Ourscamps, en France, qui en sont absentes.

Puisque l’approche du livre vise à présenter l’histoire des communautés qui ont développé cet art, il ne faut pas chercher à y comprendre ce qui distingue l’art gothique de l’art roman — mouvement artistique important qui précède l’art gothique. En ce sens, on ne trouve rien qui souligne les différentes innovations architecturales propres à ce style (arc-boutant, ogive, etc.). L’approche historique est bien établie dès le début de l’aventure et les auteurs s’en tiennent à indiquer le contexte historique qui rassemble les diverses communautés autour de ce système de représentation. Dès lors, on préfère noter les changements et les innovations qui prennent place dans les communautés et qui ont des répercussions sur les modes de production en vigueur à ce moment, par exemple l’apparition de plans et de dessins qui fait en sorte que l’on commence à préparer les pierres avant leur transport afin d’en réduire les coûts (p. 71).

Les photographies

La photo documentaire est le style retenu pour la photographie, qui est la raison principale de consulter ce livre. Les photographies sont très soignées et le fait de pouvoir les regarder en grand format est tout à l’avantage du lecteur. On peut en effet passer des heures à regarder les photos, en partie parce que le style gothique regorge de détails à contempler.

Concernant les photos des vitraux, elles ont été réalisées à partir de plusieurs clichés pris selon différentes expositions et combinées par la suite, et ce, afin de rendre le plus possible le détail de ces ouvrages : cela montre le souci de rigueur du photographe afin de rendre l’expérience du lecteur la plus intéressante possible. On peut toutefois relever deux problèmes. En premier lieu, comme il s’agit de photos récentes, et non pas des reprises de photos d’ouvrages précédents, le photographe et l’éditeur avaient le choix des prises de vue. On s’étonne dès lors que certaines façades de cathédrale, comme l’entrée nord de l’abbaye de Westminster ou encore la vue extérieure de la cathédrale de Canterbury, ne figurent pas dans le livre et que l’on a préféré montrer d’autres façades moins emblématiques. Est-ce là un choix éditorial pour montrer des choses que l’on n’a pas l’habitude de voir? Peut-être, mais quoi qu’il en soit, comme l’ouvrage entend montrer l’ensemble de la production gothique, on s’étonne de l’absence de ces clichés.

Le second problème concerne l’absence de l’utilisation de nouvelles technologies. Par exemple, on remarque avec les clichés de la cathédrale de Strasbourg (p. 122-125) qu’on ne peut ni voir la cathédrale dans son ensemble, ni en admirer la flèche — il s’agit de la partie pointue qui s’élève au-dessus du clocher. Bien entendu, par sa hauteur, la flèche est difficilement accessible aux photographes. Toutefois, on aurait pu avoir accès à de nouvelles technologies, comme à la photographie par drone, afin de présenter aux lecteurs de nouveaux clichés sous des angles qui n’ont jamais été explorés. On s’étonne donc de ne voir aucune photo de la flèche de la cathédrale de Strasbourg, qui est à couper le souffle. Cette observation vaut également pour toutes les autres cathédrales. Utiliser les nouvelles technologies aurait permis d’obtenir plusieurs clichés originaux, et l’on aurait pu admirer des détails qui, malgré qu’ils soient en pleine lumière, demeurent pour le lecteur dans l’obscurité.

Comme il s’agit d’un livre dont l’accent est principalement mis sur la photographie, la rédaction de La Montagne des dieux a pensé offrir à ses lecteurs une courte capsule vidéo qui présentera l’aspect matériel du livre.

Rolf Toman (dir.), Gothique : Le pouvoir de l’image. Art profane et sacré du Moyen Âge, de 1140-1500, Königswinter : H. F. Ullmann, 2012, 568 p.

Le grand format en français est disponible chez Amazon et le petit format en anglais chez Ulmann Medien.

A propos de l'auteur

Cofondateur

Jeffery Aubin est diplômé en Études anciennes et a obtenu un doctorat en sciences des religions à l’Université Laval. Il est chercheur postdoctoral à l’Université d’Ottawa au Département d’études anciennes et de sciences des religions. Il travaille sur les Pères de l’Église, les textes apocryphes chrétiens et les hérésies. Il s’intéresse aux rapports entre les récits cosmologiques et l’éthique, aux rapports entre les religions et la société et, enfin, à la philosophie de la religion. Passionné par ces questions, il aime également analyser les questions actuelles portant sur ces thèmes.

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