Compte-rendu du livre Dieu s’en moque de Marie-Josée Arel
À mi-chemin entre enseignement et autobiographie, Marie-Josée Arel partage ses réflexions et son parcours spirituel dans Dieu s’en moque. Osez une spiritualité excitante! L’ouvrage est divisé en vingt courts chapitres tous structurés autour de trois éléments. D’abord, en exergue, une citation de l’ouvrage Un cours en miracles, qui devient une référence marquante pour l’auteure après son « épisode chrétien », au moment de la naissance de son fils. Puis, à l’intérieur du chapitre, un nouvel adjectif qualifiant la spiritualité, mis en lien avec la « leçon » partagée. Une analyse sémantique de ceux-ci (qui sont mis en en évidence par des majuscules en caractère gras) pointe vers une conception très favorable à la spiritualité, qualifiée comme étant stimulante, rafraîchissante, vivante, épanouissante, signifiante, libératrice, paradisiaque, miraculeuse, exaltante, etc. Chaque chapitre se conclut par une réflexion autour de « Dieu s’en moque », réflexion associée à une conception théologique d’un Dieu « inconcevable » et au-dessus de nombreuses préoccupations humaines. Selon l’auteure, Dieu se moque des critères d’évaluation qui ont trait à la normalité et à la réalité, Dieu se moque des noms qu’on lui donne, de nos croyances spirituelles, de nos expériences spirituelles puissantes, de nos connaissances à son sujet, de la façon dont nous le cherchons, de notre ego, de nos débats sur l’existence de Dieu, etc.
Dès le premier chapitre, l’auteure indique ses accomplissements actuels (famille, réussite en affaires, réalisation de ses rêves, gratitude pour la vie, etc.) et débute la narration de son parcours personnel, marqué par sa prise de conscience d’un vide intérieur à l’adolescence. Au cours d’une retraite spirituelle dans un centre chrétien, l’auteure vit une « expérience foudroyante », une conversion, où elle perçoit avec certitude l’existence de Dieu et qu’elle qualifie de « rencontre avec Jésus ». Relisant et réinterprétant son propre parcours, l’auteure indique également certaines erreurs qu’elle aurait commises, comme l’absolutisation de son expérience de conversion, et le besoin qu’elle aurait eu d’un « coach en spiritualité ». Après quelques années passées comme religieuse dans une communauté charismatique catholique, l’auteure quitte, jugeant que sa créativité est étouffée, que son entrée dans la communauté n’était pas une décision mûrie, authentique, ni assez autonome. L’auteure poursuit néanmoins sa quête spirituelle et complète un certificat universitaire en sciences religieuses. Au fil du récit, elle développe une conception d’un Dieu qui nous veut heureux, dont la volonté correspond à nos désirs les plus profonds et dont nous ne sommes pas séparés. La suite de son parcours se situe davantage dans le registre de la croissance personnelle, avec des réflexions portant sur le pouvoir de la pensée, la responsabilité (notamment à être heureux), la disponibilité au moment présent, les pièges de l’ego, la relation à soi et à autrui (le pardon, la confiance, l’amour envers soi et envers autrui, le renoncement aux peurs, la conciliation travail, famille et vie spirituelle).
Le parcours dynamique de l’auteure apparaît assez classique dans le contexte de la modernité religieuse, tel qu’analysé notamment par Danièle Hervieu-Léger (Le Pèlerin et le converti[1]) et André Couture (voir notamment son dossier « Spiritualité contemporaine »[2]). Le parcours de Marie-Josée Arel se présente comme celui d’un « pèlerin » en quête d’une spiritualité qui n’est pas héritée (par la famille ou la société) et qui est à la portée de tous (la spiritualité serait inscrite dans les structures génétiques de l’être humain). Son témoignage présente une quête individualisée, axée sur les expériences personnelles, le rejet des croyances, le rejet des autorités et la sortie de la religion au profit de la spiritualité, où au final « Dieu dépend de nous ». La quête de Marie-Josée Arel la mène vers une spiritualité qu’on peut qualifier de « spiritualité de confort », qui allie épanouissement personnel, bien-être, bonheur personnel et réalisation de soi. Son récit est tous azimuts, n’hésitant pas à puiser à des références provenant de courants divers, qui ne sont pas inscrites dans une tradition déterminée et qui sont décontextualisées (référence à Nietzsche, à saint Jean de la Croix, à Thérèse d’Avila, à Un cours en miracles de Marianne Williamson, etc.).
Le lecteur sera en contact avec le récit singulier d’une personne dans toute sa complexité qui, à notre avis, n’est pas simple à suivre. Le lecteur navigue entre récit de vie (où il y a plusieurs couches d’interprétations) et divers «enseignements » qu’on peine parfois à lier au récit. Nous ne doutons pas des changements de conceptions et de perceptions de l’auteure sur Dieu et la spiritualité, mais nous aurions souhaité une plus grande cohérence. Notons toutefois que nous avons apprécié une certaine dose de sens critique chez l’auteure, qui mentionne la nécessité du doute (même à propos de l’existence de Dieu) et qui cherche des critères d’auto-évaluation de sa spiritualité (juger l’arbre à ses fruits, juger ses actions en se demandant si elles servent pour le bien de tous). Marie-Josée Arel semble posséder un certain sens de l’humour qu’elle applique dans sa vie spirituelle. Comme elle le dit si souvent « Dieu s’en moque », alors ça ne vaut sûrement pas la peine de s’en faire inutilement!
Un compte rendu de Mireille D’Astous
Prix : 19, 95 $
ISBN : 9782764425572
[1] Danièle Hervieu-Léger, Le Pèlerin et le converti. La religion en mouvement, Paris, Flammarion, 289 p.
[2] André Couture, « Spiritualité contemporaine », dans Revue Notre-Dame, 1999, n°11, pp. 1-13. Ce dossier est disponible sur le site Internet du CROIR, consulté le 29-05-2014.