Compte-rendu du livre «De Ville-Marie à Montréal» de Gilles Proulx Reviewed by Hugues St-Pierre on . Gilles Proulx, figure importante du paysage médiatique québécois, est actuellement chroniqueur au Journal de Montréal et animateur à Radio Ville-Marie. De Ville Gilles Proulx, figure importante du paysage médiatique québécois, est actuellement chroniqueur au Journal de Montréal et animateur à Radio Ville-Marie. De Ville Rating: 0
Vous êtes ici:Accueil » Critiques » Compte-rendu du livre «De Ville-Marie à Montréal» de Gilles Proulx

Compte-rendu du livre «De Ville-Marie à Montréal» de Gilles Proulx

Gilles Proulx, figure importante du paysage médiatique québécois, est actuellement chroniqueur au Journal de Montréal et animateur à Radio Ville-Marie. De Ville-Marie à Montréal, publié aux Éditions Médiaspaul, représente – si on peut résumer ce petit livre en quelques mots – une sorte d’extension des chroniques dédiées à l’histoire de la ville de Montréal que l’auteur a publiées dans le Journal de Montréal. Un court récit présentant l’importance de l’Église catholique dans l’histoire de Montréal et dont la publication s’ancre stratégiquement bien avec les célébrations du 375e anniversaire de fondation de la métropole.

L’histoire religieuse de Montréal

Excluant l’introduction et la conclusion, l’ouvrage compte trois chapitres, ainsi que trois petites annexes. Le propos tourne autour de deux axes principaux, l’histoire de Montréal et la religion catholique. Le premier chapitre présente la fondation de Montréal en tant qu’épopée mystique chrétienne. Proulx y parle des intentions initiales des Français colonisateurs, des intentions inscrites dans un contexte d’une grande ferveur religieuse. Il y sera question, entre autres, de certains personnages comme Maisonneuve, fondateur de Montréal, Jeanne Mance, fondatrice de l’Hôtel-Dieu de Montréal, Marguerite Bourgeoys, première enseignante de Montréal et fondatrice de la Congrégation de Notre-Dame, et Marguerite D’Youville, fondatrice des Sœurs Grises.

Le second chapitre se consacre à l’Église sous le Régime britannique. Il y est surtout question du développement du catholicisme québécois, que Proulx décrira comme d’un État dans l’État, où les Canadiens-français ont découvert « un lieu où ils peuvent être maîtres chez eux » (p. 42). L’auteur présentera des figures jugées importantes pour l’histoire de Montréal, comme Mgr Ignace Bourget, à l’origine de la fondation de nombreux collèges et de la mise sur pied d’œuvres de charité.

Le troisième et dernier chapitre porte sur le XXe siècle montréalais. Il y est question, par exemple, de l’importance d’Henri Bourassa – fondateur du journal Le Devoir – à la basilique Notre-Dame, où il y fit une intervention en 1910 qui « sauvera la langue française ». Bourassa s’était levé pour défendre la langue française dans les pays catholiques en guise de riposte à Mgr Bourne, qui venait d’exhorter les Canadiens français à changer de langue pour l’anglais. Proulx tente aussi dans ce chapitre de redonner une meilleure image à Maurice Duplessis, normalement dépeint négativement comme l’un des artisans politiques de la période de « Grande noirceur ». Proulx parle aussi de l’importance de l’Église dans le développement des Caisses Desjardins – les premières succursales montréalaises siégeaient à proximité des églises, sinon à même les presbytères! –, ainsi que de l’importance de l’archevêque de Montréal, Paul-Émile Léger, que Proulx appelle d’ailleurs le « dernier prince de l’Église » (p. 63). Au sujet de ce dernier, Proulx rappellera sa présence sur les ondes de la station de radio CKAC avec son émission Le chapelet en famille. Le chapitre se clôt assez abruptement en moins de quatre pages en abordant la Révolution tranquille, moment où l’Église catholique a « perdu » de son importance auprès du peuple québécois et des pouvoirs politiques, et en offrant une petite réflexion de l’auteur sur l’avenir du patrimoine religieux de Montréal. Il s’agit là d’un empressement assez surprenant, puisque la sécularisation de la société québécoise dans les années 1960 et 1970 mériterait davantage d’explications. Le sous-titre du chapitre est tout de même « entre apothéose et déclin ». L’apothéose est bien représentée, mais pas ledit déclin. Cette lacune est un petit défaut parmi d’autres.

Une agréable mais défectueuse lecture

De Ville-Marie à Montréal de Gilles Proulx est une chronique historique intéressante. Il s’agit d’un bon point de départ pour s’initier à l’histoire religieuse de la ville de Montréal. Toutefois, l’ouvrage se doit d’être consulté avec précaution. Tout d’abord, il ne contient aucune bibliographie. Proulx ne donne aucune précision quant à l’origine des informations présentées. Malgré que les faits historiques semblent généralement justes, il aurait été pertinent, au profit de l’éditeur et de l’auteur, que d’ajouter les sources. Bref, le livre sera digne d’intérêt pour les non-initiés, mais devra être évité pour son manque de rigueur scientifique dès que les intentions de lecture dépassent la curiosité et la quête d’un divertissement intelligent.

Ensuite, il faut mentionner que la frontière est parfois mince entre l’opinion et le factuel; le rythme de lecture est orné, ici et là, de quelques commentaires superflus de la part de l’auteur. Le talent de conteur de Gilles Proulx est indéniable. Cependant, l’auteur y glisse des éléments anecdotiques ne relevant pas nécessairement de faits réels qui pourront décevoir les plus férus d’histoire. Par exemple, ce passage où il est question de la tentative du gouverneur de la Nouvelle-France, Montmagny, de tenter de convaincre Maisonneuve de s’installer à l’île d’Orléans, plutôt que de remonter le fleuve vers l’île qui deviendra Ville-Marie, Proulx dira que « tout cela inaugure bien la rivalité Montréal-Québec, n’est-ce pas? » (p. 13). Il est difficile d’expliquer la présence de ce type de remarques personnelles qui gâche l’appréciation du texte. Autre exemple qui peut laisser perplexe, ce passage sur « l’origine de la croix du mont Royal » :

Surprise! En 1643, la menace ne vient pas des Iroquois, mais du majestueux Saint-Laurent qui fait des siennes. Il déborde au point de chasser nos pionniers de leur fort. C’est à ce moment, donc à peine un an après la fondation de la petite ville, que remonte l’origine de la croix du mont Royal, devenue un symbole de Montréal. Elle suscite de nos jours l’agacement chez une pognée d’excités de la laïcité, à l’encontre de l’attachement général des Montréalais… (p. 14)

Les commentaires dans ce genre – « une pognée d’excités de la laïcité » – édulcorent la qualité du propos, puisqu’il faut l’avouer, le livre se lit quand même très bien, et ce, avec tout de même un certain plaisir.

Terminons en disant que malgré ces éléments relativement agaçants, De Ville-Marie à Montréal propose un bon tour d’horizon de l’histoire religieuse de la ville de Montréal, dont les festivités du 375e anniversaire de fondation se déroulent en 2017. Ce petit bouquin de moins de 90 pages se dévore rapidement et stimule l’intérêt d’en apprendre davantage sur l’histoire de la métropole.

Gilles Proulx, De Ville-Marie à Montréal, Montréal, Médiaspaul, 2017, 86 pages.

ISBN : 9782897601171
Prix : 12 € | 14,95 $ CND

A propos de l'auteur

Cofondateur

Hugues St-Pierre est diplômé en philosophie ainsi qu’en sciences des religions, programme dans lequel il poursuit aujourd'hui à la maîtrise. Ses intérêts sont principalement orientés vers les analyses discursives, la sexualité et les phénomènes religieux contemporains. Un faible penchant pour la philosophie et l'anthropologie des religions se fait aussi sentir. En tant qu'homme d'idée, Hugues St-Pierre est toujours sur la route de l'univers des possibles à la recherche de projets ambitieux. Il est, entre autres, l'instigateur et l'un des quatre cofondateurs du site Internet de LMD.

Nombre d'entrées : 34

Laisser un commentaire

Retour en haut de la page