Laudato Si’ : table ronde pour l’amorce d’un dialogue
Le mercredi 5 octobre 2016, c’est tenu une table ronde sur l’encyclique papale Laudato Si’ à l’initiative du professeur Cory A. Labrecque, professeur agrégé à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval. J’ai donc eu la chance d’intervenir, à titre de philosophe-éthicien, en collaboration avec M. Labrecque et M. Robert Beauregard (ingénieur du bois, professeur titulaire à la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique) sur le très audacieux texte du pape François.
Dans un contexte international où les autorités morales et politiques doivent agir pour prévenir les effets catastrophiques de notre mode de vie au sein de la biosphère, le pape a pris l’initiative de livrer un vibrant plaidoyer en faveur d’une transformation de nos modes de vie. Le texte est en effet une dénonciation sévère de la « démesure anthropocentrique » (par. 116) qui brise les liens que nous entretenons avec la nature, mais aussi avec nos semblables. Son encyclique est ainsi un appel à une gestion plus responsable, mais aussi plus solidaire, de notre environnement qu’il nomme notre « maison commune ». Ce dernier terme est par ailleurs lourd de sens, car la maison est un lieu habité, un havre de sécurité qu’il nous faut entretenir et non pas détruire. Si le texte comporte au départ une réflexion proprement théologique, sa portée est en réalité beaucoup plus vaste. Le message du pape incite à réfléchir sur nos habitudes de vie, de consommation, mais aussi sur nos valeurs, notre vision moderne de la nature, tout comme il ouvre la porte à une réforme profonde de nos relations sociales et politiques à différentes échelles. Le pape nous interpelle à repenser notre rôle de « seigneur » au sein de la Création, pour passer d’une posture de domination à celle d’un « administrateur responsable » (par. 116).
Au-delà des considérations écologiques et sociales, le texte insiste aussi sur le besoin d’un dialogue entre les disciplines et les savoirs afin de trouver des solutions aux graves problèmes qui affectent notre maison commune. En effet, l’ensemble des problèmes cités dans le texte (réchauffement climatique, érosion de la biodiversité, pollution de l’eau et de l’air, pauvreté extrême, consumérisme outrancier, insécurité alimentaire, guerres meurtrières, etc.) sont d’ordre multifactoriel, ayant comme conséquence qu’aucune discipline indépendante ne saurait les saisir et les comprendre entièrement. Si de tels vœux de dialogue sont fréquemment énoncés, rares sont les opportunités réelles d’échanger librement entre les disciplines, même dans un contexte universitaire. Il est toutefois encourageant de constater que certaines institutions et certains individus sont prêts à les réaliser. La discussion qui a eu lieu fut fort intéressante et nous a permis d’identifier des thèmes qui, au-delà des barrières disciplinaires, demeurent des lieux communs. Quel est le statut moral de notre planète? Comment réaliser l’idéal d’un monde commun ouvert sur le dialogue et la tolérance? Quelle attitude devons-nous adopter pour assurer une durabilité de notre présence au monde?
Il est certain qu’une première discussion d’une heure n’est pas suffisante et que le travail à venir sera colossal à tous les niveaux de la société. Mais ce que je retiens de cette expérience, c’est que le dialogue est possible et qu’il est d’autant plus souhaitable que les problèmes à régler soient, eux aussi, de natures communes. À titre personnel, j’encourage fortement la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval à poursuivre son initiative et à organiser d’autres événements semblables.
Louis-Étienne Pigeon
Chargé d’enseignement
Faculté de philosophie
Université Laval