Critique de la série télé Ainsi soient-ils
Ainsi soient-ils est une série télévisée dramatique française produite par Zadig productions et Arte France. Cette série de fiction a fait son arrivée au Québec à l’été 2013 sur les ondes de TV5 Québec et elle est présentement disponible sur le site Tou.tv.
En Europe, lors de sa diffusion au petit écran, la série a attiré plus 1,5 million de téléspectateurs, hissant ainsi la petite chaîne de télévision Arte dans le rang des grands joueurs. Cela est probablement dû à une très bonne campagne publicitaire qui, par ailleurs, avait un petit côté provocateur : un prélat tatoué tenant un calice, un autre dans les bras d’une femme et enfin, un dernier avec des liasses d’argent dans un missel. L’affiche montrant une main féminine caressant la soutane d’un prélat était un peu trop pour la Régie Autonome des Transports Parisiens qui a refusé la diffusion de cette affiche. Le service de marketing de la chaîne Arte France affirme toutefois que d’autres affiches plus provocantes ont été écartées.
Cette série raconte l’histoire de cinq jeunes séminaristes qui étudient dans le but de devenir prêtres. Loin de n’être qu’une toile de fond, les problèmes du séminaire des Capucins et de son directeur Étienne Fromenger (Jean-Luc Bideau) apportent également leur lot d’intrigues. Les questionnements possibles que cette série peut soulever sont dès lors nombreux tant au niveau des séminaristes que de l’institution elle-même. Dès le premier épisode, on voit que les candidats à la prêtrise seront confrontés à des tentations tout au long de la série : l’un d’entre eux quitte le luxe et une position importante dans l’entreprise familiale ; un autre, afin de se sortir de la dépression s’engage dans la prêtrise ; un troisième doit laisser derrière lui sa jeune soeur et sa mère qui ont besoin de lui ; un jeune homme très engagé dans sa communauté laisse son amie qu’il aime ; et enfin, un jeune homme qui sort de prison et qui se tourne vers Dieu. Le premier épisode met dès lors la table pour une série de questionnements qui, de nos jours, sont soulevés par ces jeunes gens qui décident d’entrer en religion. Mais loin de s’arrêter aux interrogations concernant les choix personnels des séminaristes, la série pousse plus loin et soulève des questions au coeur de la foi catholique. L’opposition entre le directeur du séminaire et le président de la Conférence des évêques de France, le Monseigneur Joseph Roman (Michel Duchaussoy) dépeint un portrait de l’Église où s’opposent le désir de servir Dieu et la survie de l’institution.
Loin d’être des grenouilles de bénitier, les séminaristes seront confrontés aux tourments de la vie dans la société moderne : avortement, drogue, suicide, désir et bien entendu l’homosexualité. La série exploite donc plusieurs sujets de tension entre la société et l’Église catholique. Beaucoup en France ont critiqué le côté sensationnaliste de la série et beaucoup ont été choqués de voir la vocation en prendre pour son rhume. Il est vrai que la vie s’acharne de façon exagérée sur ces cinq séminaristes, mais cela permet d’aborder une foule de questions entourant le monde des prêtres et de l’institution. De plus, et on ne peut que donner le crédit aux réalisateurs de la série, cela nous y rend accros ! En effet, le scénario est bien ficelé de sorte que l’on veut en savoir toujours davantage sur la suite des événements. Oui, les séminaristes rencontrent tous les problèmes auxquels on peut songer, mais on ne pourrait imaginer la série autrement : sans tout ce tourbillon d’intrigues, il ne resterait que de jeunes hommes approfondissant les Saintes Écritures avec une odeur d’encens en arrière-plan. Cette équipe de scénarisation a par ailleurs bénéficié de l’aide de deux consultants externes issus du monde de la prêtrise ; cela se voit à l’écran puisque tout est réglé au quart de tour : les citations bibliques, les homélies et les répliques pieuses. L’un de ces consultants est un prêtre défroqué qui a fait des études dans un séminaire progressiste parisien et qui, six mois après de début de son ministère, a quitté l’Église pour vivre sa sexualité.
On peut dire que la série ne s’adresse pas, en fin de compte, aux gens qui fréquentent l’église toutes les semaines. Pour les autres, la série est fort intéressante puisqu’elle est remplie d’intrigues, ce qui est essentiel au petit écran, et elle soulève des questions bien réelles quant à la relation entre la croyance, l’église, l’institution, la religion et la société. Mais quoi qu’on en pense, dans Ainsi soient-ils, les personnages sont tout simplement humains, trop humains.
Une critique de Jeffery Aubin