Comte-rendu du livre Immortelle randonnée : Compostelle malgré moi de Jean-Christophe Rufin
Dernier roman de l’académicien Jean-Christophe Rufin, Immortelle randonnée, nous ouvre la porte sur un univers intérieur façonné à la manière pèlerine sur le fameux chemin de St-Jacques. Globe-trotter habitué à la montagne et aux grands espaces, l’écrivain chevronné nous offre cependant un récit allant de surprise en surprise au fil des 850 km du Camino del Norte, un chemin encore peu connu de la côte nord de l’Espagne menant à l’emplacement présumé du tombeau de l’apôtre Jacques. Un livre drôle, attachant et léger, mais également le témoignage émouvant d’une profonde transformation spirituelle racontée en dehors des traditionnelles références religieuses.
L’immense succès du roman, tant en France qu’au Québec, dépasse certainement la curiosité habituelle envers le chemin mythique. L’ancien pèlerin s’y retrouve avec émotion, comme s’il reprenait son bâton de marche l’espace de quelques chapitres. « À chacun son chemin », comme les jacquets ont coutume de dire. Mais il existe, dans les mots de Rafin, quelque chose relevant d’une expérience universelle indissociable d’un chemin qui nous appelle à nous y soumettre. Un quelque chose qui vous transforme bien malgré vous, pour reprendre l’essence du titre du livre.
Ce n’est pas le premier livre consacré au sujet, pourtant Rafin amène un vent de fraîcheur sur un thème que l’on pourrait croire épuisé. Immortelle randonnée n’est ni un livre technique sur le Camino (quelles chaussures emporter, quelles variantes emprunter, etc.) ni le simple témoignage d’un pèlerin conquis par son expérience. Au-delà du récit d’une expérience personnelle, le livre offre de belles réflexions sur des thèmes plus universaux tels que la relation au corps, l’état du christianisme en Europe, le dépouillement et l’ouverture à la transcendance. Avec beaucoup d’humour et d’anecdotes, l’auteur décrit quatre grandes « phases » de la transformation intérieure du pèlerin. Les premiers chapitres nous plongent dans la période du penseur, dans laquelle le rythme des pas stimule l’esprit avide de comprendre et d’analyser. À l’échec de la pensée succède l’esprit religieux, qui s’imprègne de l’atmosphère des chapelles, églises et monastères du Chemin. L’épuisement de l’esprit religieux provoque un surprenant détachement de tout, dans une phase que l’auteur qualifie de bouddhiste. Puis vient la phase dite mystique, où le pèlerin détaché et dépouillé à l’extrême retrouve l’espace pour s’ouvrir à une transcendance qui ne porte pas de nom.
Une mystique sauvage, iconoclaste, racontée par un virtuose de la plume. Immortelle randonnée est un livre accessible à tous, mais qui touchera particulièrement les anciens pèlerins désireux de lire, dans les termes habiles d’un écrivain, leur propre expérience du Chemin.
Une version illustrée vient également de paraître aux Éditions Gallimard, avec l’ajout des photographies du Québécois Marc Vachon, ami de longue date de l’auteur.
Un compte-rendu de Frédérique Bonenfant
Jean-Christophe Rufin. Immortelle randonnée. Compostelle malgré moi. Éditions Guérin : Chamonix, 2013.
Nombre de pages : 259
Prix : 29,95$ (47,95$ pour l’édition illustrée)