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Compte-rendu du colloque L’Épître aux Hébreux comme écrit «à la frontière»

Compte-rendu du colloque

L’Épître aux Hébreux comme écrit «à la frontière»

Tenu du 7 au 9 avril 2014 à l’Université catholique de Louvain,

Louvain-la-Neuve, Belgique

 hebreux

La Faculté de théologie et l’Institut Religions, Spiritualités, Cultures, Sociétés de l’Université Catholique de Louvain, ont organisé un colloque les 7-9 avril autour de l’Épître aux Hébreux. Les communications ont ainsi permis de faire le point sur cette épître difficile et souvent mal aimée. On peut relever quelques moments importants.

Tout d’abord, bien loin d’être l’écrit d’un chrétien tentant de prévenir ses lecteurs de retomber dans le judaïsme ou le paganisme, l’épître renoue avec d’anciennes polémiques juives contre le Temple et contre le sacerdoce. Elle semble être, comme le disait S. Mimouni (EPHE, Paris), un écrit venant directement du milieu sacerdotal en direction du milieu sacerdotal lui-même. « Hébreux » est un vocable polémique, qui a pu servir à désigner des Judéens chrétiens eux-mêmes. Gert Steyn (Pretoria) est même allé plus loin. La lettre serait une sorte de remise en ordre venue de Juifs chrétiens d’Alexandrie en direction de chrétiens peu éloignés du temple de Léontopolis. Autant donc renoncer à ces questions de frontière entre « religions », d’autant que le christianisme lui-même, dans quelles frontières le placer ? Geert van Oyen (UCL) a bien montré que les rapports entre Hébreux et Marc sont ténus, et que la christologie et la théologie « chrétiennes » sont pluriformes. Comment croire que deux textes originaires peut-être de la même ville et de la même époque puissent être si différents ?

Quel est alors le but de l’épître ? Certainement pas « remplacer » l’Ancienne Alliance par la Nouvelle ! Benoît Bourgine (UCL) notait que le passé, le présent et le futur ne pouvaient être décrits en termes de succession, mais en termes d’interpénétration. Le présent actualisant le passé sans le renier, pour pointer vers le futur. Ce complexe rapport au temps a d’ailleurs donné dans le colloque à deux interprétations. Benoît Bourgine en a souligné la radicale étrangeté pour notre société moderne, préoccupée de vitesse et figée dans un éternel présent. Mais en même temps, Nicola Cernokrak (Institut Orthodoxe Saint Serge, Paris) a montré que c’est précisément cette interpénétration des temps qui caractérise la célébration liturgique.

C’est donc vers la question de l’identité que se sont déplacés les débats. La petite société multiculturelle à laquelle s’adresse l’auteur ne peut-elle pas être tentée par une identité installée ? Pour Jean-Marie Carrière (Centre Sèvres, Paris), la lettre impose à ses destinataires d’assumer de manière créative un statut social marginalisé, en prenant une distance critique et salutaire par rapport aux valeurs dominantes. On comprend alors l’insistance de l’auteur sur le thème de l’errance, de l’apatridité, dont les patriarches sont les représentants. Une représentation qui est complètement étrangère à la lecture de l’histoire abrahamique que feront les rabbins, comme l’a rappelé Katell Berthelot (CNRS, Aix-en-Provence). Aussi est-ce certainement la raison pour laquelle, la figure de Melchisédech prend autant d’importance dans notre interprétation du texte, dont Steeve Bélanger (EPHE/Université Laval) a bien fait l’histoire. On comprend également la raison pour laquelle la thématique du Christ, prêtre et pionnier, est centrale dans l’Épître aux Hébreux, comme l’a indiqué Gordon Campbell. C’est bien le motif du pèlerinage qui est central dans cette épître : l’auteur d’Hébreux construit la figure du « Christ pèlerin ». Le Christ est dans notre espace, mais toujours absent, comme s’il venait de nous quitter en nous poussant à le suivre.

Gabriella Gelardini (Basel, Suisse) interprète donc le texte comme la construction d’un tiers espace (thirdspace) un espace construit socialement et idéologiquement qui fonctionne sur la question des limites, puisqu’il construit un dedans et un dehors. Si Hébreux trace des frontières, du coup, ce n’est plus entre Israël et les nations, entre les chrétiens et les juifs, mais bien entre ce monde et le monde à venir, entre ce Temple et le Temple à venir. Ellen Aitken (Toronto) renonce à voir le texte comme la frontière, c’est-à-dire comme un outil à créer des frontières. Bien plutôt, pour elle, la frontière, ou les frontières sont à l’intérieur du texte, dans ses thématiques. Thématique de l’espace, thématique du voyage, mais aussi, thématiques qui leur sont liées : athlétisme, résistance à la souffrance, etc. Le texte est donc une sorte de mode d’emploi de la vie à la frontière : la Rome des Flaviens est bien ce Far West dans lequel la vie est rude et donc le moindre relâchement extrêmement dangereux. Il faut donc être aussi astucieux qu’Ulysse aux mille tours qui vit sa vie comme une Odyssée.

Espérons que ces lectures, nouvelles et créatives, permettront de renouveler notre compréhension de l’épître, qui, comme l’a rappelé Walter Lesch (UCL), est parfaitement insupportable pour le monde moderne sans interprétation.

Régis Burnet

Professeur de Nouveau Testament

Université catholique de Louvain (Louvain-la-Neuve, Belgique)

Pour l’argumentaire du colloque : https://www.uclouvain.be/443495.html

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