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Un paradoxe identitaire : atman et t-shirts bouddhistes

J’étais en train de surfer sur les Internets pour le Top 5 des cadeaux de dernière minute à l’effigie de personnages religieux, lorsque je suis tombé sur un site de vente en ligne de t-shirts. L’intérêt de ce site vient de certains des imprimés qui sont à saveur bouddhique et hindoue.

Le site en question propose différentes catégories : zen, bouddhisme, méditation, yoga, taoïsme, hindouisme, spirituel, illumination, etc.

I love buddha

Sous les différents modèles d’imprimés possibles, voici ce qu’on peut lire :

« Affirmez également votre personnalité, votre humeur du jour et votre état d’esprit en sélectionnant les meilleurs modèles de tee shirt equalizer totalement personnalisables qui vous accompagneront à merveille durant toutes vos virées nocturnes en mode disco électro pop. La boutique Spreadshirt, c’est aussi des idées cadeaux originales pour surprendre vos proches, hommes, femmes ou enfants. Pour des vêtements drôles ou élégants, aux accessoires pratiques et modernes, n’hésitez pas à consulter toutes les nouveautés sur la marketplace. »

Certes, ce texte fait référence à l’ensemble des produits offerts sur le site, mais en matière de chandails à l’image du bouddhisme, ne présente-t-il pas un paradoxe évident? L’idée qui me vient à l’esprit est qu’en achetant et en portant un chandail à l’image du bouddhisme ou de l’hindouisme, l’individu « affirme son identité ». Il est généralement socialement admis que les vêtements et autres éléments d’apparats sont choisis par les gens, en Occident du moins, en suivant une dynamique de goût personnel. Nous portons ce que nous aimons et ce qui nous représente. Du moins, nous portons les éléments qui permettent de donner l’image de nous-mêmes que nous souhaitons avoir aux yeux des autres. La pression sociale y est aussi pour quelque chose. Nous sommes ici dans un paradigme de construction du « moi »… Toutefois, l’un des principes centraux du bouddhisme, c’est que l’ego, l’atman, n’existe pas, qu’il n’est qu’une illusion, le résultat de conséquences. Autrement dit, l’ego, le soi, le « moi », n’est que la conséquence de conséquences dans une longue suite de cause à effet. Donc, selon ma logique plus que faillible, le port de vêtement n’est – dans cette perspective – qu’un élément superflu de plus dans cette constitution de l’atman.

Bien que mon explication de cette dernière soit grossière, elle permet de mettre le doigt sur le paradoxe en question : affirmer son individualité, sa personnalité, par un symbole qui réfère à un schème de pensée où l’individualité est conçue comme impermanence et illusion, me paraît un brin absurde. Je ne le cache pas, en voyant ces modèles de t-shirts, l’idée de m’en procurer un m’est passée par l’esprit. Certains dessins sont vraiment beaux et ils me « représentent »! Toutefois, s’ils me représentent, je devrais donc y réfléchir un peu et considérer ces objets comme inutiles, parce que si je suis conséquent, mon individualité ne doit pas se vivre par l’image d’elle-même (qui n’est qu’illusion). Mon individualité doit encore moins se vivre par le port d’une image du concept même qui me suggère que mon individualité n’est qu’impermanence… Bien sûr, les objets à l’image du Buddha peuvent avoir une utilité méditative, mais en quoi un t-shirt peut-il m’aider à faire zazen[1]?

Bref, l’essence de mon propos est qu’il me paraît absurde d’affirmer son identité à l’aide d’un symbole référant à une pensée où il est proposé que cette même identité est illusoire. Malgré tout, je viens de sortir ma carte de crédit de mon portefeuille…

Enso

 

[1] Pratique de méditation assise propre à l’école bouddhique zen.

A propos de l'auteur

Cofondateur

Hugues St-Pierre est diplômé en philosophie ainsi qu’en sciences des religions, programme dans lequel il poursuit aujourd'hui à la maîtrise. Ses intérêts sont principalement orientés vers les analyses discursives, la sexualité et les phénomènes religieux contemporains. Un faible penchant pour la philosophie et l'anthropologie des religions se fait aussi sentir. En tant qu'homme d'idée, Hugues St-Pierre est toujours sur la route de l'univers des possibles à la recherche de projets ambitieux. Il est, entre autres, l'instigateur et l'un des quatre cofondateurs du site Internet de LMD.

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Commentaires (2)

  • Simon Douville

    Le bouddha dit:
    «Celui qui est tendu vers la richesse et la beauté ressemble à un petit enfant qui désire un couteau dont la lame est pleine de miel. Comme il n’est pas capable de manger correctement dès la première fois, il se coupe la langue et en éprouve du chagrin.» Sutra #20 (livre des vérités en 42 articles traduction de Jean Éracle, 2005)

    cela dit, je dis: une montagne est une montagne dans le regard de celui qui y voit une montagne même si elle ne dure pas la montagne, et si la montagne n’est pas éternelle elle existe le temps de la durée de la vie de cet homme/femme qui en appréhende la splendeur et la tragédie. Soit aussi impermanente que lui-même. Ne t’en fais pas trop un jour tu troueras ce t-shirt comme tous les autres.

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  • Catherien Gaumond

    Pourrait-on voir la mode comme une religion ? On le voit bien, le Bouddhisme, l’Hindouisme, le Zen et beaucoup de traditions orientales sont à la mode… Dans ce cas, le port du t shirt avec symbole bouddhiste, c’est afficher son adhésion à la religion mode…

    Bel article, j’aime

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