Mort et musique metal: quelques observations de la part d’un fan
Une perception trop cliché de la chose dirait que parler de la mort ou de Satan dans la musique Metal serait un pléonasme. En 2012, je suis allé au micro de la Montagne des dieux, alors un magazine radio sur les ondes de la station CHYZ FM, pour parler de la présence chrétienne dans le Metal. Aujourd’hui, je propose à ses lecteurs quelques observations sur différents thèmes. Il s’agit évidemment d’un tour d’horizon non exhaustif. Je tiens d’ailleurs à vous prévenir, certaines icônes décédées comme Ronnie James Dio ou Lemmy sont totalement absentes.
Je commencerai par évoquer le cas de trois groupes chantant la mort depuis toujours et qui chacun a récemment confronté au décès d’un de leurs membres. Après cela, je traiterai de deux cas de suicides de musiciens qui avaient un rapport particulier avec la mort de soi ou celle d’autrui. Je présenterai ensuite des exemples sur les façons que le deuil peut se conjuguer en chanson, puis sur comment des conceptions spirituelles originales par rapport à la mort peuvent aller de pair avec une démarche artistique originale. Par la suite, j’explorerai la place du Valhalla, lieu de repos des guerriers tombés au combat, au sein d’une scène depuis longtemps fascinée par les Vikings. En dernier lieu, je comparerai la manière dont deux groupes de Metal chrétien perçoivent la mort et l’après-vie.
Paroles macabres et morts réelles
En décembre 2012, le guitariste Mike Scaccia est terrassé par une crise cardiaque en plein concert avec son groupe originel, Rigor Mortis. La mort est omniprésente dans les textes du groupe texan, mais sous l’angle de l’horreur, donc de l’imaginaire. Le décès de Mike Scaccia est un drame réel. Ses compères y réagissaient naturellement en proposant marchandises et évènements commémoratifs. Ils vont même jusqu’à réincarner Rigor Mortis en un groupe hommage à Scaccia[1]. La démarche vise à la fois la commémoration du compagnon perdu et un coup de main financier à la famille du défunt. D’un point de vue strictement matériel, la mort est un évènement coûteux, surtout si elle est longue.
Les proches de Jim Konya, mieux connu sous le nom de Jim Sadist, ne le savent pas condamné quand ils lancent une cybercampagne de financement pour couvrir ses frais d’hospitalisation. Nous sommes en septembre 2015 et le batteur de Nunslaughter vient de subir un premier AVC. Nunslaughter pratique un Death Metal primitif aux thématiques morbides et blasphématoires qui contrastent avec les personnalités très sympathiques de ses membres.[2] Konya est donc respecté au sein du milieu Metal underground en tant que musicien et en tant que personne. La mobilisation est donc rapide et se poursuit après sa mort par une fructueuse pétition pour que le maire de Parma, Ohio, procède à une remise posthume des clés de la ville. De tels honneurs civils valent mieux qu’une messe noire, même pour Jim Sadist. L’aspect décalé de la chose constitue d’ailleurs un hommage parfait au personnage[3].
Alors que Jim Konya est déjà hospitalisé depuis quelques jours, Martin « Kiddie » Kearns, batteur du groupe anglais Bolt Thrower, meurt soudainement dans son sommeil à l’âge de 38 ans. Ses frères et sa sœur d’arme annoncent la dissolution officielle du groupe au premier anniversaire de sa mort. Ils préfèrent enterrer Bolt Thrower avec le soldat Kiddie plutôt que d’engager un mercenaire, comme l’auraient fait d’autres formations Death Metal. Les trente ans d’existence du groupe sont caractérisés par de très rares changements de membres, une stabilisation musicale très rapide et durable[4], et la présence constante de la guerre dans l’imagerie et les paroles. La mort est donc constamment présente dans les paroles de Bolt Thrower, que ce soit pour parler d’atrocité ou de commémoration. Le groupe est loin de faire l’apologie de la guerre, mais en retient des thèmes inspirants comme la loyauté, la fierté, le dévouement ou la fraternité. Le site officiel est lui-même rempli d’analogies militaires. Bolt Thrower base aussi sa démarche sur l’intégrité – il a après tout de fortes racines Crust Punk – et renonce par exemple à enregistrer un nouvel album en 2008 par faute d’inspiration. (Depuis la rédaction initiale de cet article, le premier album de Memoriam est paru, groupe fondé en hommage à Kiddie Kearn et regroupant Andrew Whale, son prédécesseur dans Bolt Thrower, le chanteur Karl Willets et deux autres congénères de la scène anglaise.)
Satanisme et rapport particulier à la mort de soi ou d’autrui
J’avais évoqué le cas du suédois Jon Nödtveidt en ondes en 2012. Le leader de Dissection est condamné à la prison en 1997 pour sa participation à un meurtre. Il reforme le groupe à sa libération en 2004, pour le dissoudre à nouveau deux ans plus tard. Il se suicide quelque temps après. Nödtveidt se réclame du satanisme anticosmique[5], un mouvement ésotérique nihiliste et élitiste organisé autour du groupuscule Misanthropic Luciferian Order (MLO). À 31 ans, il est persuadé d’avoir achevé son œuvre sur terre. Son suicide est un acte de fierté. Dans une entrevue réalisée par la revue norvégienne Slayer, il dira ceci au sujet du suicide : «The Satanist decides over his own life and death and prefers to go with a smile on his lips when he has reached his peak in life, when he has accomplished everything, and aim to transcend this earthly existence.»
Quand Selim Lemouchi annonce en 2013 la fin de son groupe Hard Rock occultiste The Devil’s Blood, je conclus à titre strictement personnel qu’un passage à l’acte est prévisible compte tenu de sa relative proximité avec l’ancien MLO. J’avais alors malheureusement raison. Néanmoins, Lemouchi parlait ouvertement de ses problèmes avec l’alcool, la drogue et la dépression. Si nous enlevons le vernis sataniste, nous voyons clairement et simplement le suicide d’une personne tourmentée. Les propos de certains de ses proches viennent confirmer cela.
Il faut garder en tête que le cas de Jon Nödtveidt reste un cas extrême dans tous les sens du terme. L’individu est indéniablement un musicien influent du monde Metal, mais ses gestes et ses motivations y sont statistiquement anecdotiques. Un aspect moins inusité est le rapport entre Nödtveidt et son groupe. Dissection est avant tout son projet et c’est pour cela que les deux meurent ensemble. À l’inverse, Rigor Mortis et Bolt Thrower sont des collectivités très fraternelles. Les frères et sœurs ne sont pas contraints d’enterrer le groupe avec le défunt, mais ils font quand même ce choix.
Le deuil en chanson
Ingo Schwichtenberg et Kai Hansen sont deux membres originaux d’Helloween. En 1995, Hansen conclut l’album « The Land of the Free » de Gamma Ray avec la chanson « Afterlife ». Schwichtenberg vient alors de se suicider et la chanson lui est dédiée. Hansen y aborde le deuil, le suicide et sa certitude d’une vie après la mort, sans préciser à quoi elle ressemble.
La chanson « Watching over Me » d’Iced Earth porte sur la mort du meilleur ami de Jon Schaffer. Elle pourrait laisser croire que celui-ci est chrétien. Or, Schaffer profite bien des entrevues pour exposer ses idées. S’il croit à la vie après la mort et à un pouvoir supérieur, il méprise les religions organisées ou institutionnalisées. C’est un individualiste notoire tant par rapport à ses idées politiques qu’à sa démarche artistique[6]. Cet individualisme l’incite donc à rejeter ces religions tout en le confortant dans son idée que l’esprit humain ne disparaît pas après la mort.
Avec Gamma Ray et Iced Eath, nous sortons du Metal extrême et des thématiques plus macabres. Le deuil n’y est pas tabou pour autant. Death est encore un groupe axé sur la violence musicale et les sujets sinistres lorsque sort l’album « Leprosy ». D’après sa mère, Chuck Schuldiner écrit les paroles d’« Open Casket » par rapport à la mort de son grand frère, survenue douze ans plus tôt. Celles-ci abordent effectivement l’exposition funéraire selon ce qui semble être le regard d’un enfant. Le deuil aussi est abordé. Il n’y est cependant pas question d’une après-vie, seulement de la mort.
Sur une note plus récente, il y a, entre autres, la chanson « From Son To Father » du projet Macabre Omen. Paru en 2015, l’album « Gods Of War – At War » combine le son typique du Black Metal grec à d’autres influences telles Running Wild, Manowar, et, surtout l’ère « viking » de Bathory[7], mais en remplaçant les Vikings par des guerriers helléniques. Le temps d’une chanson, l’inspiration d’Alexandros Antoniou n’est plus le mal du pays, mais bien la perte de son propre père[8]. Sans parler de deuil à proprement parler, nous pouvons aussi souligner la participation de Macabre Omen à la commémoration de Quorthon de Bathory à travers des parutions hommages. Son compatriote, Dimitrios Dorian, dit que Archon Vorskaath pousse l’exercice encore plus loin. Dès qu’il apprend la mort de Quorthon en 2004, il s’attèle à la composition d’« In Monumentum » qui se veut un hommage méthodique à ce dernier. Le second album de Zemial s’achève sur les paroles « And your songs long lost friend, forever stay in our minds ».
Originalité musicale et mort comme étape transitoire
En 1988, le désormais défunt chanteur Midnight du groupe Crimson Glory, un des pionniers du Metal progressif, insiste dans la chanson « Transcendance » sur l’idée que la mort ne signifie pas la fin et qu’au contraire, la vie recommence. Il croit à la réincarnation. Dans une entrevue accordée en 2005, il soutient, entre autres, s’être réincarné à plusieurs reprises depuis 3 000 ans. Il se dit aussi « psychic », donc capable d’expériences extrasensorielles. Ses idées sur la mort et sur la spiritualité sont pour le moins originales pour un musicien Metal, tout comme peut l’être la démarche artistique développée par Midgnight. Crimson Glory avait, entre autres, la particularité de poser, mais aussi de jouer sur scène avec des masques argentés.
L’album « Focus » de Cynic[9] propose un hybride entre le Death Metal technique et le Jazz Fusion. C’est une approche ambitieuse en 1993. Deux ans auparavant, Sein Reinert et Paul Masvidal participent à l’enregistrement « Human » de Death. C’est avec cet album que Chuck Schuldiner réoriente son groupe vers une musique plus progressive comportant des thématiques plus spirituelles. Ce dernier décède en décembre 2001. Quelques mois après, Paul Masvidal déclare : « La mort est une transition tellement étrange et inexplicable pour nous. Je ne suis jamais vraiment sûr si la réaction à un tel événement devrait être pleine d’espoir ou joyeuse… ». Peut-être qu’il est alors un peu trop tôt pour l’interroger sur le sujet. Des propos ultérieurs de Masvidal le montrent plutôt consciencieux face au sort des morts. En 2006, il dit avoir prié pour Chuck en apprenant sa mort. Dans une entrevue accordée en 2010, il se montre ravi d’une imminente sortie posthume du second album de Control Denied selon une démarche conforme aux volontés de Chuck.[10] Il y parle aussi de son exploration du chamanisme. Ce genre d’expérimentations spirituelles n’est pas très commun dans le Metal, pas plus que les expérimentations musicales de Paul Masvidal.
Le Metal n’est pas un mouvement monolithique. L’expression du deuil, ou de différentes idées par rapport à la mort, y est parfaitement appropriée dans la mesure où l’artiste sait les mettre en mot d’une manière qui colle avec la musique jouée. Écoutez « Open Casket » de Death ou « Afterlife » de Gamma Ray et vous verrez où je veux en venir.
« Valhalla » : The gods await me
Le mot « Hell » est l’un des stéréotypes lexicaux du monde Metal les plus notoires, mais il ne faut pas sous-estimer « Valhalla », le nom du lieu de repos éternel des guerriers vikings. Dans les années 1980, les thématiques nordiques sont plutôt fréquentes au sein du Heavy Metal « traditionnel », mais selon un angle épique et fantastique. Les Vikings présentés se rapprochent des personnages de bandes dessinées, de jeux de rôles ou de romanciers comme Robert E. Howard, à qui on doit d’ailleurs le célèbre personnage de fiction Conan le Barbare. La chanson « The Gates of Valhalla » paraît sur le second album des très « conaniens » Manowar en 1983. Le lieu de repos éternel des valeureux guerriers y côtoie l’Apocalypse de Jean, les pillages cruels, la fraternité metalleuse ou la moto. Le Valhalla est « badass[11] ». C’est cette idée que retient le groupe Viking pour sa chanson « Valhalla », qui aurait tout aussi bien pu porter sur l’enfer. Le premier album de ce groupe, sorti en 1988, présente les Vikings non pas comme des héros fantastiques, mais comme des semeurs de mort et de destruction. L’approche est très cohérente avec le Thrash Metal du groupe californien.[12] L’année suivante, le « Valhalla » de Blind Guardian, groupe qui préfère Gandalf (personnage de l’univers du Seigneur des anneaux de Tolkien) à Conan, présente un magicien qui se rebelle contre les dieux. Le changement de décennie s’accompagne d’ailleurs du remplacement du monde d’Howard par celui de Tolkien dans la sphère Metal.
Il faut dire que le côté « Conan » des années 1980 se résume souvent tout simplement aux illustrations des pochettes d’album. Dès les années 1970, le groupe de Hard Rock sudiste Molly Hatchet prend les travaux d’illustrateurs comme Frank Frazetta pour les pochettes de leurs albums sans pour autant écrire des chansons sur les Cimmériens ou les Vikings. Fait intéressant, ce groupe sort en 2005 un album intitulé « Warriors of the Rainbow Bridge ». Dans une entrevue accordée à un magazine français, le guitariste explique que le pont arc-en-ciel auquel se réfère le titre de cet album est le passage pour le Paradis qu’ont alors récemment emprunté le premier chanteur du groupe et sa propre femme[13]. Le pont arc-en-ciel est un élément tiré de la mythologie scandinave, mais est ici un élément symbolique parfaitement acceptable pour un musicien qui parle ouvertement de la foi chrétienne qu’il partage avec ses compagnons.
L’année 1990 annonce un virage plus sérieux. Il y a certes l’album « Tyr » de Black Sabbath qui contient quelques titres axés sur la mythologie nordique, avec encore une fois un Valhalla [14]. La pochette de l’album est d’ailleurs conçue selon une petite et sobre inspiration runique. Cela n’est cependant rien comparativement à la sortie d’« Hammerheart » du projet suédois Bathory. Quorthon, fondateur de Bathory, rompt alors avec les thématiques blasphématoires et le Metal extrême[15], dont il est un pionnier, pour faire place aux thématiques vikings et repousser les limites du Metal épique. Le « Valhalla » de Bathory exploite à son maximum la force évocatrice de ce lieu mythique. Dix ans avant, Heavy Load, le premier groupe de Heavy Metal suédois, parle déjà de Vikings, mais avec la même naïveté que les autres baby-boomers moustachus[16]. Quorthon tient à faire honneur à l’héritage culturel scandinave. Sa démarche, au même titre que celle de Sabbat puis Skyclad en Angleterre, prépare l’entrée du paganisme dans le Metal.[17] Les groupes de Black Metal antichrétiens qui commencent à apparaître peuvent exposer tant leur haine des chrétiens à travers les thématiques satanistes et blasphématoires que des thématiques païennes[18].
Les Vikings de Quorthon sont quand même repris par les non-Scandinaves. Le groupe russe Scald combine les influences de Bathory, Manowar et Candlemass pour offrir un Doom Metal épique plutôt mélancolique. Son unique album regorge de références à la mythologie scandinave, dont le Valhalla ou les tumulus (des monuments funéraires). Le groupe prend fin avec la mort accidentelle de son chanteur en 1997. Quorthon meurt d’un arrêt cardiaque en 2004. Ils ne sont pas morts au combat, mais on dit quand même d’eux qu’ils ont mérité leur place au Valhalla.
Dans le Metal, l’Apocalypse chrétienne n’a rien à envier au Ragnarok en matière de potentiel narratif et symbolique. L’accession au Paradis, quant à elle, fait plutôt pâle figure par rapport à celle du Valhalla.
Isaiah 53:5 ou Psaume 9[19]?
Quand il est question de la mort, le Metal chrétien se tourne tant sur le sacrifice du Christ que sur la vie à vivre pour mériter le salut. Qu’en est-il chez Stryper, un groupe qui dans les années 1980 lance des Bibles à la foule pour rivaliser avec les provocations grandiloquentes de W.A.S.P., comme lancer de la viande crue en concert, ou de Mötley Crüe? Et chez Trouble, un groupe qui, à la même époque, reprend les thématiques de Mercyful Fate ou Slayer, mais selon un angle croyant plutôt que sataniste?
Entre le Hard Rock et le Heavy Metal, la musique de Stryper est très mélodique, plutôt joyeuse et accompagnée de textes plutôt optimistes. Selon des chansons comme « Together Forever » ou « Come To Everlife », il suffit d’accepter le Christ pour s’assurer la vie éternelle. Les paroles de Stryper placent, par ailleurs, la masse d’auditeurs ou de spectateurs au sein d’une grande famille chrétienne.
Pendant ce temps-là, le label Metal Blade, qui a découvert Slayer, utilise l’étiquette White Metal pour promouvoir l’anti-Slayer.[20] Trouble rejette tout autant la course à la rapidité et à l’agressivité musicale que les références pseudosatanistes. Il préfère plutôt reprendre la lourdeur, ainsi que l’atmosphère tourmentée et pessimiste des premiers Black Sabbath. Le « Please God Help Me » scandé sur la chanson éponyme de ces derniers résume plutôt bien les textes des premiers albums de Trouble[21]. L’accès au salut n’est pas aussi facile que chez Stryper. Le propos est plus pessimiste et plus cru; la joie collective est remplacée par le chemin de croix personnel. La mort n’est pas non plus un simple passage implicitement mentionné. Le chanteur Eric Wagner écrit « Pray for the Dead » en revenant d’un service funéraire. Il y aborde le deuil du défunt, mais aussi son passage au purgatoire et l’inévitabilité de la mort. Il suffirait de donner une tournure plus sinistre et nous aurions une chanson écrite par King Diamond.
Wagner a été élevé dans le catholicisme. Les membres de Stryper semblent venir de la mouvance évangéliste. Les différences confessionnelles expliquent peut-être le choix de mettre ou non l’accent sur « l’étape » qu’est la mort. Évidemment, les membres de Trouble n’ont jamais lancé de Bibles tout comme Michael Sweet de Stryper n’est pas un consommateur de THC notoire. Le Metal chrétien n’est pas monolithique, ni monophonique, car ni le Metal, ni le christianisme ne le sont.
Conclusion
Le rapport entre la mort et le Metal va au-delà d’une association triviale et stéréotypée. En parlant des morts de Mike Scaccia, Jim Sadist et Kiddie Kearns, j’ai certes évoqué les histoires de groupes chantant la mort se retrouvant concrètement confrontée à celle-ci, mais j’ai aussi évacué un autre cliché. Ces trois artistes n’étaient pas de grandes icônes ou des millionnaires. Ils n’étaient pas de jeunes Cliff Burton au sein de Metallica formé depuis à peine cinq ans. Ils étaient des musiciens œuvrant dans la scène depuis longtemps avec une notoriété relative et une réalité financière de gens ordinaires, voire des emplois ordinaires. Ils avaient cependant des liens forts avec leurs camarades musiciens et leur public. Autour de ces décès se sont manifestées des préoccupations commémoratives (l’importance de souligner la mémoire du défunt), artistiques (le groupe doit-il continuer sans le défunt?) et financières (comment éviter la ruine de la famille du défunt).
Je ne voulais surtout pas trop mettre l’accent sur les cas extrêmes comme Nödtveidt. Néanmoins, je trouvais pertinent de comparer les trois situations ordinaires, et bien séculaires, précédentes et même celle de Selim Lemouchi à une situation vraiment extraordinaire, dotée d’un fort aspect spirituel. C’était aussi l’occasion de comparer des groupes soudés à des projets plus personnels.
En parlant des différents deuils, d’hommages ou de conceptions par rapport à la mort, j’ai exposé une certaine diversité au sein du Metal et la liberté que peuvent avoir les paroliers et compositeurs. L’originalité ou le manque d’originalité de leurs idées sur la mort peut aller de pair avec l’originalité de leur œuvre. Encore une fois, j’ai démenti cette association triviale et stéréotypée.
Les Vikings ont toujours été une forte source d’inspiration au sein du Metal. Le Valhalla est un symbole fort qui est passé en quelques années d’un élément badass ou fantastique à une expression sérieuse du paganisme scandinave. J’ai donc mis en lumière le moment où ces thématiques se sont sophistiquées. Une dimension solennelle s’est alors installée dans l’évocation du Valhalla ou de monuments funéraires. L’évolution des représentations vikings ne s’est cependant pas arrêtée en 1990 et des courants plus décontractés sont apparus.[22]
Trouble et Stryper sont deux groupes totalement différents qui ont eu en commun à la même époque de combiner musique Metal et religion chrétienne. L’un est sombre et l’autre est lumineux. Trouble présente la mort selon l’angle du catholicisme tourmenté, alors que Stryper le fait selon le jovialisme évangélique.
[1] Initialement sous le nom The Scaccianators, maintenant sous le nom Wizard of Gore.
[2] J’en avais d’ailleurs glissé un mot lors de mon passage au micro de La Montagne des Dieux en 2012.
[3] C’est justement pour cela que je suis l’un des signataires de la pétition.
[4] Les changements musicaux majeurs se passent dans les trois ou cinq premières années du groupe.
[5]Aussi appelé chaos-gnosticisme. Il s’agit d’un rejet de la création (cosmos) au profit du chaos. Voici d’ailleurs deux liens revenus des morts : 1er lien et 2e lien.
[6] Je citerais en référence sa fameuse entrevue de 2004 avec le magazine ontarien BW&BK ou à une autre entrevue de la même époque où il affirme que le rôle de guitariste soliste dans Iced Earth a toujours été secondaire et qu’il s’occupe d’enregistrer seul toutes les parties de guitare hormis les solos.
[7] Il est d’ailleurs difficile de ne pas y voir une référence à « Father to Son » de Bathory, l’aspect fictionnel en moins.
[8] En 2016 Alexandros Antoniou a d’ailleurs donné un AMA sur la plate-forme « Reddit » où il s’est grandement exprimé sur sa démarche et ses influences.
[9] Les fans remarqueront que oui, je viens de mentionner quatre groupes de suite ayant fréquenté le studio Morrisound à Tampa.
[10] Il est pour le moment établi que cette sortie n’aura jamais lieu. https://en.wikipedia.org/wiki/Control_Denied
[11] Selon cette définition, est badass ce qui est intimidant et impressionnant.
[12] Le Thrash est à la base une musique très brute et impulsive et se prête donc généralement mal à des thématiques épiques ou fantastiques.
[13] Philippe LAGEAT, « Molly Hatchet : A Rainbow in the Dark », Rock Hard, no 45, juin 2005, pages 48-50.
[14] Ce texte est d’ailleurs dédié au claviériste Geoff Nichols, décédé après la rédaction initiale.
[15] Il y a certes des prémisses sur Blood Fire Death, mais Hammerheart est vraiment le tournant.
[16] En fait, Manowar a une démarche plutôt raffinée comparativement à celles des Heavy Loard et autres Thor. Tony Martin, chanteur et parolier de l’album « Tyr », est certes de cette génération.
[17] Le paganisme renvoie aux croyances religieuses traditionnelles des populations avant leur conversion au christianisme, qui étaient donc alors des peuples païens. Le chanteur-parolier Martin Walkyer explore déjà ces thèmes à la fin des années 1980 dans Sabbat. Le paganisme dans le Metal implique aussi des éléments de musique traditionnelle. Skyclad, second groupe de Walkyer, inclut dès 1991 du violon « fiddle » dans sa musique.
[18] Ce paganisme se conjugue parfois à des dérives d’extrême droite, compte tenu d’un aspect ethno-identitaire et d’une possibilité de conjuguer antichristiannisme et antisémitisme, mais il faut éviter de généraliser. Cette relation entre paganisme et extrême droite était déjà existante bien avant leurs rencontres du monde Metal.
[19] N’ouvrez pas une Bible, ce sont des références respectives aux deux groupes abordés ici.
[20] Les étiquettes Metal en 1984 ne sont pas des indicateurs stylistiques bien définis. Trouble est a posteriori identifié comme un pionnier du Doom Metal.
[21] Le groupe prend par la suite une direction musicale plus psychédélique avec des thématiques plus spirituelles que religieuses.
[22] Je fais évidemment allusion à cette scène plus festive où le Viking est devenu un bon vivant et à l’arrivée récente de groupes comme Eternal Champion ou Visigoth qui renouent avec le Heavy Metal épico-fantastique à l’ancienne.