L’autruche optimiste que je suis… Reviewed by Frédérique Bonenfant on . Je suis une personne foncièrement optimiste et enthousiaste. Malgré tout ce qui se passe sur la scène internationale, les religions restent pour moi des phénomè Je suis une personne foncièrement optimiste et enthousiaste. Malgré tout ce qui se passe sur la scène internationale, les religions restent pour moi des phénomè Rating: 0
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L’autruche optimiste que je suis…

autrucheJe suis une personne foncièrement optimiste et enthousiaste. Malgré tout ce qui se passe sur la scène internationale, les religions restent pour moi des phénomènes humains grandioses et pleins de richesses. En dépit de ce qui se passe à l’échelle provinciale, je reste convaincue que la diversité culturelle et religieuse qui nous interroge socialement nous permettra de découvrir de nouvelles manières de vivre ensemble et d’en tirer des bienfaits qu’on ne soupçonne pas encore. Malgré certains discours haineux qui circulent dans quelques médias de la ville de Québec, et malgré une ignorance et une méconnaissance déplorables du fait religieux que je peux observer au quotidien, je crois encore que les voix que nous devrions tous écouter se feront entendre et que la connaissance (au mieux la sagesse) finira par s’infiltrer dans les fissures de nos certitudes. Léonard Cohen chantait : « There’s a crack in everything, that’s how the light gets in… »

Mais l’optimisme peut aussi aveugler. Je réalise parfois que ma tendance à dénicher les bonnes intentions sous les erreurs humaines m’empêche de dénoncer ce qui ne devrait pas exister, et, en un sens, vous pourriez dire que c’est un manquement à mon devoir de citoyenne. J’ai donc décidé de le faire aujourd’hui. Au lieu de renoncer, comme je l’entendais initialement, à critiquer une conférence franchement déplacée à laquelle j’ai assisté récemment, je vais vous en parler. Une conférence sur l’islam, qui restera anonyme, parce que dénoncer la bêtise n’implique pas nécessairement le jugement des individus qui les fait.

Voici, mot pour mot, la manière dont la conférence et le conférencier furent introduits :

Nous voulons faire un effort, pour aider les gens à comprendre, c’est pour ça que nous sommes là ce soir. Et surtout pour dire à l’Islam, par ton intermédiaire (le conférencier), que nous n’accepterons jamais d’abandonner le message d’amour de Jésus pour le message dépassé, inadapté et traversé de tellement de violence, de l’islam. 

J’ai beau contextualiser, y louer l’intention d’informer sur un sujet délicat, me dire que la personne n’a peut-être pas réalisé la portée de ces paroles, cette simple phrase reste inconditionnellement mauvaise. Elle sonne faux, comme un couac de premier clarinettiste en plein concert. Ça fait mal.

Tout me semble mauvais dans cette affirmation. On n’invite pas un conférencier pour lui donner un message. On ne peut pas faire reposer sur un individu l’identité musulmane. Personne n’a demandé en contexte québécois d’abandonner un message d’amour. Le message de l’islam – qu’il faut distinguer de celui des islamistes – n’est pas dépassé ni inadapté, pas plus qu’il n’est essentiellement violent.

Quant au contenu de la conférence en soi, il était loin de représenter de l’information éclairante sur la réalité musulmane et islamiste. Nous avons eu droit à un discours polarisé sur la remise en question de la dimension politique de l’islam. Une opinion, sans doute pas dénuée d’intérêt, mais controversée, et qui n’implique que la pensée de son auteur.

Il existe deux niveaux de discussion actuellement au sujet de l’islam, et trop peu encore savent les distinguer. Au premier niveau, notre société se questionne actuellement sur l’intégration du religieux dans la société, et la diffusion de l’information la plus juste possible (et toujours nuancée) sur les « sujets délicats » représente le noyau essentiel du bon déroulement de ce débat. Au second niveau, et ici, nous prendrons le cas de l’islam en particulier, il existe des dissensions et un débat houleux à l’interne sur la gestion des débordements (extrémisme), sur les visées sociales et politiques de cette religion, sur l’interprétation des textes, les modes de financement, etc. Il faut choisir à quel niveau l’on peut agir, et interagir.

J’ai eu un professeur, autrefois, qui disait que l’action juste nécessitait de prendre le temps de définir précisément (et honnêtement) l’intention et le résultat souhaités. L’objectif très louable d’informer des gens inquiets sur ce qu’est l’islam et la place qu’il pourrait/devrait prendre dans notre société ne peut pas être atteint via des conférences portant sur des aspects pointus des débats internes dans lesquels sont plongés les musulmans.

On ne commence pas une rencontre interreligieuse par la définition des subtilités théologiques, on débute en laissant tomber nos préjugés et en ouvrant l’oreille à la réalité de l’autre. Et, oserais-je l’affirmer, cet autre pour vous est ce voisin québécois et musulman, pas un spécialiste des systèmes politiques du Moyen-Orient.

A propos de l'auteur

Collaboratrice

Frédérique Bonenfant est diplômée en philosophie, avec une spécialisation en philosophie pour enfant. Après plusieurs années en tant que coordonnatrice de projets communautaires, elle fait un retour aux études afin d'approfondir ses connaissances et ses aptitudes en matière d’organisation communautaire d’activités religieuses ou spirituelles. Ses recherches actuelles portent sur la pratique du dialogue interreligieux au niveau local, mais ses intérêts s’étendent à l’événementiel, aux nouvelles spiritualités et nouveaux mouvements religieux. Sa perspective socio-anthropologique la maintient très près du « terrain », là où les nouveaux paysages religieux s’expriment en premier lieu.

Nombre d'entrées : 32

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